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L’APPEL DE LA RACE

— Parler, ce sera pour moi, l’honneur ; m’abstenir, le déshonneur. Si j’accepte l’humiliation pour la cause, ce sacrifice ne va-t-il pas la servir plus efficacement que ma parole ?

Tel était bien son état d’esprit lorsque, tout à l’heure, il avait fait son entrée dans l’église. Maintenant qu’il en sortait, sa résolution ne lui paraissait plus aussi ferme. La vue de cette assemblée d’enfants, presque à elle seule toute une génération, et que l’anglicisation pouvait demain pervertir, ranima ses alarmes. Il eut peur de l’avenir, peur de ne pas faire, pour le sauver, tout ce que le devoir peut exiger d’un homme de foi. Puis, il songeait à toutes ces prières d’enfants montées en lignes si droites vers Dieu et dont l’effet ne pouvait tarder à se faire sentir.

— Dois-je attendre encore, avant d’achever ma détermination ? se demandait-il. Dois-je attendre que la volonté de Dieu se soit manifestée à moi plus clairement ?

D’autre part, quand il se retrouva sur le trottoir, que son émotion religieuse eut baissé, l’image de Maud pâle comme une morte dans son lit, puis le cortège des graves motifs qui, les jours précédents, avaient enchaîné sa volonté, lui revint. La vision de son foyer, pareil à une maison où l’incendie aurait tout dévasté, passa de nouveau devant ses yeux et lui fit mal au cœur. Il se rappela l’ordre rigoureux de la charité qui lui commandait de se donner d’abord aux siens. Il se persuadait, en outre, que parler maintenant, après