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L’APPEL DE LA RACE

— J’en ai six, fit le marchand de lait, avec fierté : quatre garçons, deux filles. Mais il y en a d’autres à la maison. Je m’en vais dire comme on dit, Madame : y se font pas prier, les petits, par ce temps-ci, pour prier pour leurs écoles.

— Ah ! oui, s’exclama la marchande, sentencieuse : les jeunesses qui poussent, monsieur, vaudront une beauté mieux que celles de notre règne.

— Ça serait une curiosité, savez-vous, continua le laitier, que le sujet mettait en verve, ça serait une vraie curiosité que de compter les chapelets et les chemins de croix que mes petites filles ont dû assembler bout à bout cet hiver et ce printemps. Et tout cela — c’est ça qui est beau, Madame, — pour qu’on nous garde notre langue dans nos écoles.

— Oui, c’est ça qui est beau, répéta en refrain l’épicière.

— Vous vous rappelez, les petits garçons partirent un jour, en voiture, faire le ravaud aux ministres, et jusqu’à la porte du parlement ; les petites filles, comme de raison, ne pouvaient pas se mêler à ce sabbat-là. Mais c’est à l’église qu’elles se revengeaient. Une fois je me dis : il faut que j’en sache plus long. Ça fait que je demande donc à ma Germaine, tenez un petit bout de fille, comme ça, chère dame, qui marche à peine sur ses neuf ans : « Bon ! qu’est-ce que tu as fait de bon à l’église, aujourd’hui, ma Germaine ? »

— « J’ai fait une heure d’adoration, petit père, qu’elle me répond ».