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L'APPEL DE LA RACE

notez-le bien, Lantagnac, quand la prudence modère l’application du principe universel, c’est encore en s’aidant de la lumière de ce principe qu’elle le fait. Sont-ce là les procédés de l’opportunisme, ce scepticisme intellectuel ? Bien au contraire, opportunistes et libéraux n’en appellent qu’à leurs intérêts, qu’à leur peur systématique de l’action et de la lutte, qu’aux prétendus droits d’une liberté excessive, pour sacrifier la vérité en s’abstenant de prendre parti. Car je vous prie de le bien observer de nouveau, mon ami : c’est encore où la prudence se distingue essentiellement de l’opportunisme. En elle, nulle tendance à s’effacer, à louvoyer, à fuir la lutte et la responsabilité. La prudence, je vous cite saint Thomas lui-même : « c’est un moteur ». Vous entendez ? Un moteur ! Quand, lumière de l’esprit, elle a montré ce qu’exige le devoir, son acte principal est de commander l’action ; et c’est par quoi elle est une perfection morale. Vous le voyez donc, Lantagnac, nous sommes loin de l’abstention et de la conciliation systématiques. Et comme l’avocat esquissait une moue légèrement sceptique :

— Oh ! je le veux bien, continua le religieux, la prudence ne supprime ni toute obscurité dans l’esprit ni toute hésitation dans la volonté. Avec elle, il faut encore chercher, il faut peser, il faut surtout prier et vouloir. Mais elle est une lumière et une force vraies qui suffiront toujours à l’homme loyal. Que vous en semble, mon ami ?