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L’APPEL DE LA RACE

moi. Je ne vous demande qu’une parole et peut-être une petite démarche.

— Allez ! dit simplement Rogerson.

— Voici, reprit Duffin ; Lantagnac, vous le savez, est le conseiller juridique de la grande maison Aitkens Brothers. Il gagne là des honoraires qui s’élèvent, me dit-on, à vingt mille piastres par année. Or, je suis pauvre, Rogerson. La lutte scolaire m’a pris beaucoup de mon temps, beaucoup de ma clientèle, parmi les French naturellement. N’est-il pas juste que je me compense ?

— Et vous voulez l’emploi de Lantagnac ? demanda Rogerson qui tourna son fauteuil et fit mine de se remettre au travail.

— Mais, si vous faites en sorte qu’il la perde ? fit l’Irlandais. Plutôt que de le laisser aller à un autre…

— Impossible, mon cher, dit sèchement le ministre. Croyez-vous que l’homme qui vous parle n’a pas songé avant vous à utiliser ces moyens d’action ? Le premier souci d’un bon politique, c’est de casser les reins aux indépendants qui se font dangereux. Donc j’ai vu les Aitkens Brothers. Je leur ai demandé d’exercer une pression sur leur avocat, de donner un coup de main au gouvernement. « Impossible », m’ont répondu ces Messieurs. « Notre clientèle, nos affaires exigent un avocat bilingue ; et l’homme est de première valeur », Les Aitkens Brothers, je le sais, ne congédieront jamais Lantagnac.