Page:Groulx - L'appel de la race, 1923.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
156
L’APPEL DE LA RACE

— Rien du tout.

Duffin fit mine de se prendre la tête dans les mains, en homme acculé à un cas désespéré :

— Mais enfin, reprit-il, n’a-t-il aucune peur des conséquences de sa conduite, de son entêtement ? Et ses patrons de la compagnie Aitkens Brothers ? Je crois savoir qu’on est fort ennuyé en ces milieux-là. Pour parler net, ne craint-il pas que des influences n’interviennent, ne forcent les Aitkens à le congédier ?

Maud eut un geste de découragement :

— Il devrait craindre assurément. Nous ne sommes pas riches si nous vivons bien. Mais il est d’une telle indépendance de caractère ! Vous le connaissez : à la première tentative de le faire « chanter », comme il dirait, il serait homme à leur jeter sa démission à la face.

Maud ne remarqua pas, à ce moment, l’éclair, le flamboiement de convoitise qui passa dans les yeux de Duffîn. Malgré lui, l’Irlandais, trop nerveux, avait esquissé le geste de s’élancer en avant, les mains tendues, fasciné par une proie. Maud continua :

— Pourtant, j’ai un vague espoir de ce côté ; je ne puis songer, quand il y aura réfléchi, qu’il veuille, pour un motif de vanité, exposer sa famille à la ruine.

— Il gagne bien là ?… interrogea Duffin.

— Vingt mille piastres par année, répondit Maud.