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PRÉPARATIFS DE BATAILLE

qui s’effeuille. Chaque jour accréditait alors la rumeur d’une désertion qui se consommait autour du grand homme ; on disait et l’on répétait que tous ses lieutenants anglais se préparaient à le trahir, et que lui, considérant maintenant sa vie, des hauteurs de l’infortune, la jugeait sévèrement et, parfois même, prononçait, devant ses plus intimes, le mot de faillite. Le spectacle d’un tel homme ressaisi, lui aussi, sur la fin de son existence, par le sentiment de la race, lui qu’on tenait responsable plus que tout autre, de l’état d’âme de ses compatriotes, ce spectacle remuait étrangement Lantagnac et le faisait rougir de ses hésitations. S’abstenir ? non, il ne le pouvait point, surtout après l’incident du Loyola. Que dirait-on parmi le peuple français d’Ontario ? Que dirait toute la population canadienne-française ? Ne serait-ce pas confirmer tous les soupçons malheureux, qu’à la suite de cette affaire, il n’avait pu empêcher de courir ? « Oui », diraient les braves gens et tous les envieux qui jalousaient son crédit, sa popularité encore jeune mais déjà si grande, « oui », dirait-on, « ce Lantagnac ressemble à tous les autres. C’est un politicien comme tous ceux de son espèce. Voyez, il sert mieux en paroles qu’en actes. Ce qu’il prêche, il n’a pas le courage de le pratiquer ». Distinctement, le député entendait la rumeur publique qui monterait autour de son nom. Et la seule pensée qu’on pourrait le soupçonner dans sa loyauté mettait une sueur froide au front de ce fier gentilhomme.