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LE COIN S’INTRODUIT

— Quel mystère tout de même, mon ami, que ces aberrations de l’instinct patriotique chez les jeunes gens de votre temps !

Ce jour-là, Lantagnac avait répondu un peu piqué :

— Mon Père, vous oubliez une chose : que je suis sorti de collège, moi, aux environs de 1890. Qu’ai-je entendu, jeune collégien, puis étudiant, aux jours des fêtes de Saint-Jean-Baptiste ? Interrogez là-dessus les jeunes gens de ma génération. Demandez-leur quels sentiments, quelles idées patriotiques gonflaient nos harangues sonores ? La beauté, l’amour du Canada ? La noblesse de notre race, la fierté de notre histoire, la gloire politique et militaire des ancêtres, pensez-vous ? Non pas ; mais bien plutôt les bienfaits de la constitution britannique, la libéralité anglo-saxonne, la fidélité de nos pères à la couronne d’Angleterre. Ah ! celle-là surtout, voilà bien quelle était notre plus haute, notre première vertu nationale. Quant au patriotisme rationnel, objectif, fondé sur la terre et sur l’histoire, conviction lumineuse, énergie vivante, chose inconnue ! avait continué l’avocat… La patrie ! un thème verbal, une fusée de la gorge que nous lancions dans l’air, ces soirs-là, et qui prenait le même chemin que les autres… Ah ! que l’on nous soit indulgent ! avait enfin supplié Lantagnac. On n’a pas le droit d’oublier quels tristes temps notre jeunesse a traversés. Sait-on assez quelle période nous avons vécue ? Sait-on que l’état