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L’APPEL DE LA RACE

temps porté le heaume et la cuirasse et qui, l’armure délacée, s’abandonne au sommeil. Moins d’un quart de siècle de fédéralisme accepté avec une bonne foi superstitieuse amena le Québec français à la plus déprimante langueur. Du reste, les politiciens étaient devenus les guides souverains ; les nécessités des alliances de parti, l’ambition de se concilier la majorité anglaise les poussaient à la surenchère du loyalisme. Pour le coup le vieux patriotisme français du Québec s’évanouit, sans que pût croître à sa place le patriotisme canadien. Les hommes de 1867 avaient manié, modelé de l’argile ; ils avaient tâché de rapprocher les uns des autres les membres d’un vaste corps, laissant à leurs successeurs de les articuler dans une vraie vie organique. Par malheur, l’effort dépassait le pouvoir de ces fondateurs d’État à qui manquait le souffle créateur d’où s’exhale une âme.

Ce fut bien pis, lorsqu’avec la décadence des mœurs parlementaires, ce qui n’était d’abord que verbiage officieux devint peu à peu sentiment, puis doctrine. Vers 1885, avec l’affaire Riel, vers 1890 avec la question des écoles du Manitoba, des orages grondèrent. Mais les mêmes narcotiques opéraient toujours. Et comment espérer un ressaut de la conscience populaire, là où le sommeil s’érigeait en nécessité politique ?

Voilà bien l’atmosphère empoisonnée où avait grandi la génération du jeune Lamontagne. Un jour le Père Fabien lui avait dit en gémissant :