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L’ÉMANCIPATION D’UNE ÂME

Une voix rude que Lantagnac reconnaît tout de suite, celle de William, riposte à Virginia :

— Pardon, mademoiselle, un père ne saurait imposer sa volonté en ces matières. Mon parrain me l’a fort bien dit : nous avons le droit de choisir, surtout quand l’option que l’on nous propose implique une sorte de déchéance : l’acceptation d’une infériorité.

— Une infériorité ! reprenait Virginia ; oh ! elle est bonne celle-là ! Ici même, tu n’as donc pas entendu notre oncle William féliciter papa du bonheur de sa culture française ? Elle fait de lui, soutenait-il, le premier avocat d’Ottawa. Tu as lu les auteurs anglais, disais-tu, tout à l’heure ; ils t’ont émerveillé. Et moi, je te demande ; as-tu lu les classiques français ? Avant de juger entre deux cultures, ne faut-il pas d’abord comparer ?

— La belle affaire, par exemple ! Il faudra lire maintenant une bibliothèque avant d’avoir le droit de parler, reprenait désagréablement William. Notre ami Wolfred que voici, se plaît, depuis quelque temps, à ces sortes de lectures. Voyons, est-il changé, converti ? Qu’il parle.

Haletant, Lantagnac s’appuya à la rampe de l’escalier ; il attendit la réponse de son aîné. L’énigmatique, le mystérieux Wolfred allait-il enfin dévoiler sa pensée ?

La réponse ne vint pas. William reprit :

— Mais nous sommes fous de tant discuter. À quoi bon nous opposer à la force et au progrès ? La survivance du français au Canada,