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L’ÉMANCIPATION D’UNE ÂME

trêve, d’armistice ; on ne parle ni de bonne entente ni d’amitié, ou le spolié qui accepte d’en parler, ne le fait qu’au nom de son abjection.

Décidément le vieillard comprenait moins que jamais. Son orgueil de race, ses préjugés n’admettaient point la possibilité ni les droits de la survivance française au Canada. De très bonne foi il ne pouvait comprendre que la minorité dépouillée eut encore à se plaindre, dès le jour où la majorité repue venait lui offrir le rameau d’olivier. Sa stupéfaction s’accrut encore quand j’ajoutai :

— Vous voulez mettre de l’amitié entre les races ? Si vous commenciez par y mettre de la justice. Entre vos compatriotes et les miens, M. Fletcher, subsiste, je le crains, une grande équivoque de fond. Les vôtres, en ce pays, rêvent d’un accord dans l’uniformité ; les miens veulent le maintien de la diversité. Voilà, si vous m’en croyez, la cause profonde de tous nos dissentiments, de tous nos malentendus, de toutes nos querelles. La vraie bonne entente est possible, mais à une condition.

— Laquelle ?

— C’est que les Anglo-Saxons acceptent enfin le fait fédératif, avec toutes ses conséquences dans l’ordre politique, national, social, religieux. Franchement, sans plus ruser ni équivoquer, veulent-ils abdiquer une bonne fois leur prétention de tout niveler sous le couperet de l’orgueil ethnique ? Veulent-ils ne plus prétendre à