rapporte, hélas ! une âme si douloureusement entamée.
— Mais votre conversion, fit le vieillard malicieusement, vous a-t-elle rendu si timide, si soucieux… ?
— Oui, ripostai-je, très soucieux de ma dignité.
— Mais qu’est-ce donc qui la menace ? Je ne le vois pas, appuya M. Fletcher, visiblement agacé par ce débat. Nous, Anglo-Saxons, nous avons le mépris des faibles ; mais nous respectons les forts.
— Tout le monde respecte les forts, monsieur Davis, rectifiai-je de nouveau avec un peu de vivacité. Mais aux forts, vous ne donnez que le respect extérieur. Et parfois la dignité ne s’en accommode pas.
— Que voulez-vous dire ?
Il me fallut m’ingénier à concilier de mon mieux la franchise et la déférence. Résolu à parler franc, je livrai néanmoins le fond de ma pensée :
— Le tort de vos compatriotes, père Davis, que j’admire, vous le savez, pour beaucoup de leurs qualités, leur tort c’est d’avoir commercialisé le stock humain. C’est de ne reconnaître à l’homme, à l’étranger surtout, que la valeur marchande, instrumentale. Pour les Anglo-Saxons c’est ainsi : le stock humain a sa cote à la Bourse comme les autres valeurs industrielles, financières. Et la cote de la Bourse est aussi la