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L’APPEL DE LA RACE

anglophones de la capitale. Dans les clubs, dans les salons haut panachés, Duffin, grand faiseur de “jokes”, tenait le rôle d’un arbitre du bel esprit. Or Lantagnac le savait : les Canadiens français pouvaient tout appréhender de ce beau monde doré.

— Il faudra donc, conclut-il, avoir les yeux bien ouverts de ce côté.

Pour le moment, il en avait assez des inquiétudes que lui causait l’état d’âme de sa femme. Comment celle-ci voudrait-elle accepter sa candidature, et, après la candidature, sa qualité, son rôle de député ? Du coup les événements allaient porter l’avocat au premier rang parmi les chefs de l’irrédentisme français. N’était-ce pas pour lui l’entraînement définitif vers un monde d’idées et de sentiments auquel Maud paraissait répugner de plus en plus ? Par quelles raisons parvenir à la tranquilliser, à sauver le peu qui leur restait à tous deux de la paix de leur foyer ? Lantagnac le sentait ; il n’avait déjà que trop tardé. Il ne pouvait différer plus longuement de parler à sa femme.

— Je me dois, se disait-il, je me dois de m’expliquer avec Maud. Je devrai le faire au plus tard demain soir. Après-demain c’est le départ pour mon comté d’où je ne reviendrai que l’élection finie.

Cette explication, il n’eut pas à la provoquer. Le lendemain, les journaux de la capitale annonçaient en première page, sur manchettes assez