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tisme de cœur desséché. Barbej'^ d'Aurevilly l'a merveil- leusement fait voir en écrivant son Essai sur Georges Brummell. « Il avait pour lui ce quelque chose d'incom- préhensible que nous appelons notre étoile, et qui décide de la vie sans raison ni justice ; mais ce qui surprend davantage, ce qui justifie son bonheur, c'est qu'il le fixa. Enfant gâté de la fortune, il le devint de la société. Byron parle quelque part d'un portrait de Napoléon dans son manteau impérial, et il ajoute : Il semblait qu'il y fiH éclos. On en peut dire autant de Brummell et de ce frac célèbre qu'il inventa. Il commença son règne sans trouble, sans hésitation, avec une confiance qui est une conscience. Tout concourut à son étrange pouvoir, et personne ne s'y opposa. Là où les relations valent plus que le mérite et où les hommes, pour que chacun d'eux puisse seulement exister, doivent se tenir comme des crustacés, Brummell avait pour lui, encore plus comme admirateurs que comme rivaux, les ducs d'York et de Cambridge, les comtes de Westmoreland et de Chatham (le frère de Wilham Pitt), le duc de Rutland, lord Delamere, politiquement et socialement ce qu'il y avait de plus élevé. Les femmes, qui sont, comme les prêtres, toujours du côté de la force, sonnèrent, de leurs lèvres vermeilles, les fanfares de leurs admirations. Elles furent les trompettes de sa gloire ; mais elles restèrent trompettes, car c'est ici l'originalité de Brummell... Brummell n'eut point de ces butins et de ces trophées de victoire... Aimer, même dans le sens le moins élevé de ce mot, désirer, c'est toujours dépendre, c'est être esclave de son désir. »(1). Ne voila-t-il point de belles conquêtes,

(1) Du Dandysme et de G. Brummell (éd. Trfibutien, Caen, 1845 p. 39, 40 et 41. — Ed. Lemerre, 1887, p. 4G, 47 et 48.)