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Un jour, vint me trouver une vieille dame russe, du nom de Mansouroff.

Venue aux idées par le néo-malthusianisme, elle avait d’abord été en relations avec Robin. Mais, autant que je pus en juger, elle était un peu méfiante, Robin, de sont côté, était comme je l’ai dit, de caractère difficile, l’harmonie ne dura pas longtemps entre eux.

Je ne lui cachai pas que le néo-malthusianisme n’avait rien qui m’emballât par la façon même où nous le présentaient ceux qui le prônaient. Elle n’insista pas. Elle me remît mille francs pour faire imprimer en russe La Société Mourante qui lui plaisait beaucoup. Puis, en plusieurs fois, diverses sommes se montant à près de 4 000 fr.

Elle me parla de son intention de laisser sa fortune pour fonder une colonie anarchiste dans sa villa de Menton, où j’étais allé passer quelques semaines, à la suite d’une pneumonie. Ce fut ce séjour qui servit de prétexte à Gohier pour m’accuser d’aller vivre en sybarite sur la Côte d’Azur.

Mais, qui choisirait-elle comme héritiers, et quels hommes étaient dignes de remplir exactement ses vœux ? Je lui nommai Kropotkine, Reclus, Malatesta, Domela Nieuwenhuis. Avec eux, elle pouvait être sûre que l’argent ne serait pas détourné de sa destination.

L’année suivante, un camarade de l’entourage de Robin, vint me dire que, sérieusement malade, elle était séquestrée par sa famille dans sa villa. Que je ferais bien d’aller la voir.

Par hasard, je me trouvais en mesure de disposer des frais du voyage pour deux ou trois jours ; je pris le train et débarquai à Menton. On consentit à m’introduire auprès d’elle. Je la trouvai couchée sur un matelas posé à terre. Prés d’elle étaient également couchées, tout habillées, deux servantes italiennes.

Elle me dit qu’elle souffrait horriblement, et n’avait qu’un désir : en finir vite avec la vie. Pouvais-je lui procurer quelque poison qui l’emporterait sans souffrir ?

Elle me fit énormément de peine. Si cela avait été en