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Zo d’Axa était désabusé avant d’avoir commencé !

Poursuivi pour je ne sais quel article, il préféra voyager plutôt que d’accepter l’hospitalité que lui offrait la « justice » de son pays. Il fut arrêté à Jérusalem, en vertu des « Capitulations » de 1778 ! Ramené à Paris et incarcéré à Sainte-Pélagie, il y écrivit un volume sur son odyssée qui parut sous le titre : « Sur le Trimard », puis sous cet autre : « De Mazas à Jérusalem ».

En 1897, il publia, sous forme de feuilles volantes, un pamphlet intitulé « La Feuille », qui comportait une page de texte et une page d’illustrations, un dessin en couleur, que fournissaient Steinlen, Luce, Hermann-Paul et Wilette. Il y eut 25 numéros. Puis d’Axa disparut.

Un jour, en compagnie de Reclus, j’étais allé rendre visite à Léon Cladel qui habitait Suresnes, où, à cette époque, habitait également Reclus.

Toute la famille Cladel était intéressante et sans morgue. Au cours de la conversation, Cladel nous raconta que, lorsqu’il vint à Paris, — il était jeune, — il n’eut de cesse jusqu’à ce qu’il fut présenté à Victor-Hugo, objet de sa grande admiration alors.

Il fut invité à déjeuner chez le Dieu. Or, paraît-il, il ne fallait jamais contredire le « Maître » !  ; lorsqu’il avait parlé, il ne restait plus qu’à s’incliner. Voilà que, au cours du repas, Cladel, en véritable irrégulier qu’il était, s’avisa d’émettre une opinion qui différait quelque peu de celle du grand homme.

Devant un pareil blasphème, Lockroy et Meurice — si mes souvenirs sont exacts — qui étaient placés de chaque côté de Hugo, eurent le geste de se lever pour empoigner le blasphémateur, et l’expulser. Mais, magnanime, le Maître fit signe aux deux préfets de police qu’il pardonnait au jeune imprudent qui, sans doute, avait péché par ignorance.

Cladel échappa à l’ignominie d’être mis à la porte. Mais, sous les regards d’indignation, il passa le reste du déjeuner d’une façon très inconfortable.