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du Sud, lorsque je reçus un mot de Cornelissen me disant qu’il se rendait à Londres et qu’il serait désireux de me voir.

Il s’agissait de la Feuille. Charles-Albert était en relations avec un ex-dreyfusard qui mettait des fonds à sa disposition pour fonder ce journal. Cornelissen voulait avoir ma collaboration, celle de Tcherkesoff et de Kropotkine.

L’ex-dreyfusard pouvait être un brave homme, mais tout réfléchi, je préférai m’abstenir. J’ignorais dans quel but il subventionnait cette feuille, où on nous promettait, il est vrai, de nous laisser toute liberté, mais c’était à voir.

D’autant plus que ce mot subvention sonnait mal, surtout dans les circonstances présentes. Kropotkine et Tcherkesoff pensèrent comme moi, et refusèrent. Quant à Cornelissen, il démissionna au deuxième numéro. Charles-Albert ayant coiffé son article d’un entrefilet qui le fit regimber — Cornelissen, pas l’article.

Entre temps avait éclaté la révolte irlandaise. Ce fut un incident malheureux. Les Alliés se vantant de combattre pour la libération des peuples et l’un d’eux ayant à combattre chez lui la révolte de populations qu’il tenait sous sa domination.

Cependant à la décharge des gouvernants actuels de l’Angleterre, il faut dire que le problème de l’Irlande était l’héritage d’une ancienne politique.

Comme tous les peuples, les Irlandais avaient le droit de réclamer leur autonomie. Mais, il faut avouer que ce sont des gens bien encombrants et peu intéressants. Dans les derniers temps, ils étaient surtout menés par des politiciens qui avaient pris à tâche de tirer de l’Angleterre tout ce qu’ils pouvaient.

Ce n’était plus le peuple asservi qu’ils aimaient à se représenter. Depuis des décades, ils étaient traités mieux que les autres peuples du Royaume-Uni, le gouvernement avançant aux paysans de l’argent à bas intérêt pour acheter de la terre, et forçant les landlords à leur en vendre. Les comptes individuels dans les banques augmentant chaque année, dénotaient une situation florissante.

La veille de la guerre, leur autonomie leur avait été reconnue, et, comme on les supposait incapables de boucler leur budget, c’étaient les contribuables anglais, gallois et écossais qui devaient combler le déficit. Le gouverne-