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que si leur manifeste ne me plaisait pas, et si je refusais par conséquent de le signer, je restais, en principe, avec eux. Mais qu’ils devaient me tenir au courant de ce qu’ils faisaient et ne faire usage de mon nom que lorsque je leur en donnerais l’autorisation.

Entraînés, ils eurent vite fait de dégringoler la pente. Ils adhérèrent aux parlottes de Kienthal et de Zimmerwald. Et, cela, au nom des Temps Nouveaux. De plus, ils tenaient leurs réunions au journal, y faisaient adresser la correspondance de leur groupe, qu’ils appelaient « La Paix par les Peuples ». Un but des plus désirables si les peuples avaient pu avoir la parole pendant qu’on se battait, mais qui n’était que bluff, puisque les peuples restaient muets et que l’insistance du groupe ne laissait aucun espoir.

Je trouvai cela un peu excessif. J’écrivis à Girard que, puisque nous ne voyions plus de la même façon — la scission s’était encore élargie depuis leur manifeste — ils n’étaient pas autorisés à parler au nom des Temps Nouveaux, ni à se servir de son adresse. Qu’ils fussent du journal, c’était fort possible. Mais moi, Kropotkine, Pierrot et Guérin en étions aussi. Puisque le groupe se dissolvait par suite de notre mésintelligence, il était vain de disputer quels en étaient les vrais représentants. Le mieux était d’agir, en notre nom, chacun de son côté. Enfin, étant locataire en nom pour le journal, responsable par conséquent, je leur refusais le droit de se servir de cette adresse.

Il me fut répondu que, avant la guerre, pour venir en aide au journal, ils avaient fondé un groupe sous le nom des « Temps Nouveaux » et que c’était au nom de ce groupe qu’ils avaient adhéré à la conférence de Zimmerwald.

C’était tout simplement du jésuitisme, car Pierrot et Guérin faisaient également partie dudit groupe. Guérin était celui qui en avait eu l’idée. J’aime à croire que Girard était étranger à cette « subtilité ».

On condescendait aussi à ne plus intituler les manifestes à venir « Aux Abonnés des Temps Nouveaux ». On les intitulerait « Aux Amis des Temps Nouveaux » ! Mais, à cause du Cabinet Noir, aucune adresse de camarade n’étant sûre, il était préférable d’employer celle du journal !