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les, tout anti-militariste, tout adversaire de la guerre qu’il fut, il s’enrôlait.

Je fis un article de tout cela que j’envoyai à la Bataille. L’article fut refusé par la censure.

J’envoyai copie du programme de l’ « Union du Contrôle Démocratique » — c’était le nom pris par le groupement dont j’ai parlé plus haut — à tous ceux dont je pus me rappeler l’adresse, en vue d’organiser un groupe semblable. Cela resta sans réponse.

Quand je quittai Paris ; de tous les camarades qui venaient au bureau, aucun n’avait pensé qu’il fallût s’opposer à la défense. Quelques-uns avaient envisagé la possibilité de déserter. Mais, je crois que, pour la plupart, la question de principe ne venait que secondairement.

Jusqu’en 1915, dans les lettres que nous échangeâmes. Girard, Benoît et moi, bien que nous ne fussions pas toujours d’accord, les divergences ne s’étaient pas trop accentuées. Mais la guerre se prolongeant avec son cortège de massacres, de misères, de dévastations et de douleurs, nos camarades énervés, subissant l’influence des Zimmerwaldiens, se trouvèrent entraînés à vouloir la paix quand même, s’en prenant à ceux qui, voyant la situation telle qu’elle était, et non telle qu’ils l’auraient voulue, étaient d’avis que l’imposition de la paix n’avait de raison d’être que si les peuples la réclamaient avec une unanime intensité.

Si les alliés avaient été en Allemagne et non les Allemands chez nous, j’aurais compris. Mais dix départements envahis, les populations terrorisées, déportées en masse, au gré de l’envahisseur, forcées de travailler pour lui, cela changeait absolument la question.

La non-résistance, j’aurais compris cela de la part des tolstoïens. De la part des révolutionnaires, cela me dépassait !

Voilà ce que ne voulurent pas voir les partisans de la « paix par les peuples ». Ils ne voulurent pas voir que la demi-douzaine de « social-démocrates » qui les amusaient à Kienthal, à Zimmerwald, n’étaient pas le peuple allemand, qu’ils n’étaient là que pour faire le jeu des militaristes allemands.

N’ayant même pas pu remuer le petit doigt pour empêcher la conflagration, il fallait être absolument dépour-