Page:Grave - Le Mouvement libertaire sous la IIIe République.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de me collectionner avec ceux que, prétendait-il, il avait déjà dans son bureau.

J’envoyai une demi-douzaine d’articles qui furent insérés et payés 50 francs chacun.

Mais, lui ayant fait parvenir un article antimilitariste, Vaughan me le retourna, me disant que l’antimilitarisme était chasse réservée pour Gohier. J’en envoyai un autre sur la question économique, assez accentué dans le sens anarchiste, il eut le même sort. J’ai oublié quelle fut la défaite. Je compris. Ne me tenant pas pour battu, je récidivai sous une forme encore plus vive. Lorsqu’on l’eut gardé assez longtemps sans le publier, j’écrivis à Vaughan de me retourner mon dernier article. Ma collaboration, évidemment, n’avait pas rendu ce que l’on en attendait.

Il faut dire que, malgré ma collaboration à l’Aurore, nous n’avions pas cessé de dénoncer les erreurs de jugement de ses rédacteurs lorsqu’il s’agissait de question sociale. Lefrançais, quoique caissier à ce journal, nous envoya assez souvent des articles pour relever quelques affirmations erronées de Gohier.

Entre autres, j’en reçus un, intitulé : « Sus au jésuitisme ! Lettre ouverte au citoyen Gohier ». Ce dernier m’envoya une réplique où il reprochait à Lefrançais de ne pas s’être fait tuer en 71. C’était sa façon de répondre à une discussion courtoise.

Il y eut une levée de boucliers aux Temps Nouveaux. Moi, Lefrançais, Girard, Charles-Albert, nous répondîmes à Gohier, qui répliqua avec acrimonie. Puis cela cessa un moment pour éclater à nouveau avec plus de virulence, à l’occasion de camarades qui, en province, avaient osé contredire Gohier dans une réunion qu’il donnait. Il les accusa d’être des agents des cléricaux.

De fil en aiguille, sans atteindre son ton de méchanceté, je me laissai entraîner à lui lancer quelques pointes. La discussion dura un certain temps.

Sous prétexte de nous réconcilier, Vaughan m’écrivit que cette querelle était déplorable. Il me demandait d’aller le voir, qu’après explication, le malentendu se dissiperait.

J’y rencontrai un Gohier tout guilleret qui semblait trouver cela très amusant. Mais Vaughan promit une explication loyale. Au lieu de cela ce fut un redébordement de calomnies.