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En août 1892, une grève éclata à Carmaux, il s’ensuivit des troubles qui durèrent quelque temps, et soulevèrent l’opinion.

Un beau jour une bombe fut découverte au siège de la compagnie, avenue de l’Opéra. Elle fut transportée au poste de police de la rue des Bons-Enfants, où elle éclata entraînant la mort… de saisissement de l’un des agents.

La bombe qui, plus tard, fut attribuée à Émile Henry, avait été plus intelligente que ses auteurs. Eût-elle éclaté avenue de l’Opéra, elle aurait pu entraîner la mort de plusieurs ouvrières, un atelier de couturières étant, paraît-il proche voisin des bureaux où avait été placée la bombe. Cela n’aurait pu que soulever l’opinion publique contre les anarchistes. Tandis qu’au poste de police cela n’avait aucune importance.

Un peu plus tard, à Barcelone, ce fut au Liceo, un des plus luxueux théâtres de cette ville, qu’il en éclatait une autre, jetée par des inconnus, tuant une vingtaine de personnes, en blessant une cinquantaine. Aussitôt, on accusa les anarchistes qui avaient voulu venger un des leurs, Pallas, fusillé à la suite d’une tentative contre l’auteur de l’exécution d’innocents à Xérès.

Kropotkine m’envoya un article réprouvant l’acte.

Sans doute, Kropotkine avait raison à un point de vue. Se venger sur des innocents (je crois qu’il y avait eu des enfants de tués), jeter des bombes dans un lieu public, où elles tuent des gens qui, peut-être, ne valent pas cher, mais peuvent aussi en estropier d’autres fort estimables, n’est pas un moyen efficace de proclamer la fraternité, la solidarité, la justice.

Mais nous traversions une période troublée. L’autorité, en Espagne, avait été infâme. On avait, comme en France, arrêté des gens sans motifs valables, on les avait gardés indéfiniment en prison. De plus, on en avait envoyé au bagne. On en avait torturé d’une façon abominable. À mon avis, nous ne pouvions, avant de savoir, jeter par-dessus bord les auteurs de l’attentat.

J’écrivis dans ce sens à Kropotkine, lui demandant de retirer son article. Ce qu’il fit, du reste, sans hésitation. J’en écrivis un pour le remplacer, que j’intitulai : « La Vengeance » ! Il se terminait ainsi :

« Certes, pour en arriver à exécuter cet attentat, il faut