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travailleur, excitant chez lui une générosité bête qui le rendait toujours dupe des intrigants qui savent faire vibrer chez les autres les sentiments d’abnégation qu’ils s’empresseront d’exploiter. Il est temps, en effet, que les travailleurs sortent de cette chevalerie sentimentale qui les a toujours rendus les dindons de la farce.

Mais, sous prétexte de ne pas tomber dans le sentimentalisme, il ne faut pas non plus tomber en l’excès contraire, comme cela est arrivé en littérature où, sous prétexte de réagir contre les bonshommes en baudruche de l’école spiritualiste, on n’a voulu voir, dans l’homme, que la brute inconsciente et malfaisante.

En dehors de ce sentimentalisme des cerveaux mal équilibrés, il y a chez l’homme un besoin d’idéal, un sentiment d’affection pour ceux qu’il estime, un appétit de progrès, une soif de mieux qui se font sentir même chez les plus arriérés et dont on doit tenir compte.

« C’est l’envie qui pousse les classes inférieures à la haine des riches », disent les économistes que l’on trouve toujours en tête lorsqu’il s’agit de calomnier ceux qui n’ont pas cent mille francs de rente.

Non, messieurs, ce ne sont ni la haine ni l’envie, c’est tout simplement le sentiment de la justice. Et ce sont toutes ces aspirations qui, associées à toutes les facultés de l’homme, font éclore chez lui l’être intelligent et qui, devenues le mobile de ses actions, le distinguent de la brute qui accepte passivement sa destinée, sans chercher à réagir.

C’est en prenant l’homme tel qu’il est, en tenant compte de tous les mobiles qui le font mouvoir, des conditions d’existence que lui crée la nature ou qu’il