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Non, la Société n’est pas un organisme existant par lui-même, non, son existence n’est pas indépendante de celle des individus qui la composent ; elle n’est rien par elle-même. Détruisez les individus, il n’y aura plus de société. Que l’association se dissolve, que les individus s’isolent, ils vivront mal, ils retourneront à l’état sauvage, leurs facultés régresseront au lieu de progresser, mais, au bout du compte, ils continueront d’exister.

Nous venons de voir que dans les êtres organisés, même de l’ordre le plus élevé, les cellules tout en étant fortement solidaires, restaient autonomes : la comparaison des autoritaires est donc mauvaise. Nous allons voir qu’elle est plus que mauvaise, elle est absurde.


Pour former l’énorme cohésion de cellules qui constituent un mammifère, par exemple, pour arriver à cette division de travail où chaque cellule prend sa place dans la colonie, fournit sa part de besogne toujours la même, il a fallu que chaque cellule au début de l’agrégation fût inconsciente de son individualité et n’eût pas de préférence marquée vers telle besogne plutôt que telle autre. Pour que, parmi les cellules, les unes se cantonnassent à fournir les muscles, d’autres la peau, le poil, l’ossature, pour que certaines s’employassent à sécréter — les unes le sang, la lymphe, la bile, — d’autres la pensée, sans jamais sortir de cette spécialisation, jusqu’à devenir incapables de toute autre adaptation, au point de s’atrophier et mourir quand les conditions où elles se meuvent habituellement sont détruites, cela dénote une plasticité primitive que n’a plus l’homme qui, déjà par lui-même