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pensée à produire, à faire sortir de la terre et de l’industrie, tout ce qui était nécessaire à entretenir la vie, étant de qualité vile et inférieure, et que son emploi serait réservé aux classes serviles.

En nous basant là-dessus, nous continuons à déclarer viles certaines occupations, oubliant qu’elles ne sont telles que parce qu’une classe de gens est forcée de les remplir au service d’une autre classe, de subir ses ordres et caprices, d’aliéner sa liberté, mais qu’il ne peut y avoir rien de vil en n’importe quel travail qui consiste à subvenir à nos propres besoins.

L’artiste, le littérateur, appartiennent à la masse ; ils ne peuvent s’en isoler et, forcément ils ressentent les effets de la médiocrité ambiante. Ils ont beau se retrancher derrière les privilèges des classes dirigeantes, vouloir s’isoler dans leur « tour d’ivoire », s’il y a abaissement pour celui qui est réduit aux pires besognes pour assouvir sa faim, la moralité de ceux qui l’y condamnent n’est pas supérieure à la sienne ; si l’obéissance avilit, le commandement, loin d’élever les caractères, les abaisse au contraire.

Pour vivre leur rêve, réaliser leurs aspirations, il faut qu’ils travaillent, eux aussi, au relèvement moral et intellectuel de la masse, qu’ils comprennent que leur propre développement est fait de l’intellectualité de tous ; que, quelle que soit la hauteur qu’ils croient avoir atteint, ils tiennent à la foule ; s’ils tendent à s’élever, mille liens les attachent à elle, entravent leur action, leur pensée, les empêchant à jamais d’atteindre aux sommets entrevus. Une société normalement constituée n’admet pas d’es-