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S’EN VA LA MÉMOIRE.

l’élaboration du fameux plan d’alignement du quartier des Bourdonnais.

La veille, M. le sous-secrétaire d’État avait dit au nouvel élu, après avoir écouté les indications de son projet : « Monsieur Perrin, il y a des architectes qui seraient fiers de votre idée, et j’ai souvent demandé au ministre le ruban de la Légion-d’Honneur en faveur de gens qui avaient fait moins que vous pour le bien du pays. »

Vers midi, un cabriolet de place amena M. Dumolard devant la porte de la maison de la rue des Bourdonnais ; au même instant, un hussard, lancé au grand trot, passa sous la porte cochère, et remit au concierge un pli scellé de cire rouge. Le pli et M. Dumolard parvinrent ensemble dans l’appartement de M. Perrin ; mais le papier entra avant l’ami. Alors qu’il s’apprêtait à frapper au cabinet de son associé, M. Dumolard eut la mortification d’entendre celui-ci crier à son domestique : — Étienne, je n’y suis pour personne ; pour personne, comprenez-vous ?

M. Dumolard tourna les talons, et dégringola les degrés. Au même instant M. Perrin passa chez madame Perrin, le pli ouvert à la main. On éloigna les femmes de chambre, et une conférence conjugale s’ouvrit.

— Ma chère amie, dit le député d’un air joyeux, apprêtez votre plus gracieuse toilette ; nous assistons au concert que Son Excellence le ministre de l’intérieur donne ce soir.

— Ce soir ?

— Ce soir même, en famille.

— Mais, mon ami, nous sommes invités chez M. Dumolard, et nous avons promis.

— Sans doute ; mais je ne saurais vous répéter trop sou-