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ZÉPHYRINE.

trant un homme d’assez mauvaise mine qui se tenait debout à son côté, il me dit d’un ton brusque et menaçant :

— C’est donc vous qui voulez réduire à la misère ce digne Bilboquet qui fait depuis trente ans les délices de notre ville, en lui enlevant une artiste qui n’a pas sa pareille pour le saut périlleux ? Je vous somme, au nom de la loi et de la morale, de déclarer où vous l’avez cachée.

— C’est aussi au nom de la morale et de la loi, répondis-je avec une indignation contenue, que je vous somme de faire arrêter le susdit Bilboquet, coupable de suppression d’état à l’égard de mademoiselle Zéphyrine de Valcour, fille de M. le comte de Valcour, officier supérieur de la garde, mort à Paris en 1830, victime de son dévouement à la monarchie.

Bilboquet haussa les épaules, et me toisa dédaigneusement.

— Connu ! connu ! s’écria-t-il ; c’est la troisième fois que Zéphyrine s’amuse ainsi aux dépens des âmes sensibles qui ont comme vous vingt ans et un habit bleu-barbeau. Elle éprouve de temps en temps le besoin de me quitter ; mais elle revient toujours au bercail : je suis si bon pour mes pensionnaires ! Rendez-moi Zéphyrine, jeune imprudent ; la représentation va commencer, et il faut bien que quelqu’un crie : Prenez vos billets !

— Tu mens, tu n’es qu’un vil imposteur ! Je demande justice pour mademoiselle de Valcour.

— Voilà, reprit Bilboquet, des papiers qui constatent que mademoiselle de Valcour est sortie de l’hospice des Enfants-Trouvés. Je voulais les faire légaliser par M. le