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À L’AMOUR ET AU FEU

serais charmé. Adieu, mon cher cousin, donne-moi de tes nouvelles et de celles d’Annette ; il me semble que maintenant j’oserais lui prendre un baiser.

Ton cousin pour la vie,

Alain

.

Chantons ! dansons ! la paix est signée ; c’est fête au village ; le seigneur va arriver. Le bailli a terminé sa harangue, la rosière est prête. Ne vous étonnez pas qu’Annette soit restée sage si longtemps ; grâce à Léveillé, elle a connu l’amour d’Alain, elle lui a fait écrire qu’elle l’attendrait, qu’elle ne serait jamais qu’à lui. Quelle joie, pensait Annette, s’il pouvait assister à la cérémonie ! Ô surprise ! ô bonheur ! le voilà, c’est lui ! son oncle lui a acheté un homme. Comme l’habit militaire lui va bien ! Il tombe aux genoux d’Annette, il veut l’embrasser ; heureusement le bailli survient : Attendez au moins, lui dit-il, qu’elle ne soit plus rosière.

Un nuage de poussière s’élève sur la route ; on entend le galop d’un cheval : C’est monseigneur ! s’écrie le bailli, et il s’élance pour le recevoir.

C’était un courrier qui venait annoncer que, monseigneur ayant été mis à la Bastille pour avoir fait un calembour contre madame de Pompadour, ses vassaux seraient privés de sa présence.

Le lendemain Annette épousa Alain. Le pauvre bailli se trouva sans rosière : heureusement monseigneur était en prison.

La chaumière d’Alain devint la maison à la mode ; c’est chez lui que les notables allaient passer les longues soirées d’hiver ; son esprit s’était singulièrement développé au régi-