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DERRIÈRE LA CROIX

— Va donc, Almaviva.

Madame Rosine de Fernange se tenait dans un boudoir gris-perle rehaussé d’or ; c’était une femme blonde, frêle, délicate ; ses cheveux bouclés à l’anglaise descendaient jusque sur sa poitrine ; et ses yeux bleus, le plus souvent baissés vers la terre, ne se relevaient que pour regarder le ciel ; mais elle avait le nez pointu et les lèvres minces. Elle accueillit Étienne Galabert avec un sourire charmant, et un instant son regard glissa sur le visage du célibataire avec la rapidité d’un éclair. Bientôt Jacques Mauberun se retira, voulant, disait-il, leur laisser toute liberté de faire connaissance.

Madame de Fernange, bien que modeste et toute pleine de timidité, avait l’esprit alerte et la parole facile. La conversation fut promptement engagée entre elle et Étienne Galabert. En deux heures, cette conversation fit le tour du monde ; de la Madeleine à la Bastille il n’y avait qu’une réplique, et l’on se promena au travers de Paris à vol de parole.

Mais, quoi qu’il dît, et de quelque formule qu’il se servît, au premier mot qui ne sentait pas l’orthodoxie, madame Rosine de Fernange ramenait Étienne Galabert au sentier de la vertu. Quand le célibataire se cabrait sous les admonestations de la jeune veuve, elle lui prenait la main avec un sourire mignard ; le célibataire se penchait et baisait cette main qu’on lui abandonnait un instant.

— Oh ! je vous convertirai, lui disait-on.

Dans ces moments-là, quand il sentait sous ses lèvres la peau fine et lustrée de la jeune prude, Étienne Galabert n’était pas loin d’être touché par la grâce. Cependant