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AVEC LE FEU.

— D’où venez-vous ?

— De province, Madame.

— Et vous venez pour me coiffer ?

— J’ai du moins cette ambition, Madame.

— C’est en effet une très-grande ambition, ajouta-t-elle sans pouvoir réprimer un imperceptible sourire que lui causa l’expression emphatique du coiffeur ; votre nom, je vous prie ?

— Mon nom de famille, Madame, était beaucoup trop vulgaire pour que je pusse le conserver ; j’ai pris celui de Télémaque Saint-Preux ; c’est sous ce nom-là que je suis connu dans la coiffure.

— Eh bien ! voyons, monsieur… Télémaque Saint-Preux, coiffez-moi, reprit-elle en affectant un très-grand sérieux.

Il commença à prendre les nattes qui tombaient sur ses épaules ; mais à peine eut-il essayé de les diviser qu’elle poussa un cri :

— Ah ! malheureux ! vous allez m’arracher la tête ! Me tirer les cheveux de la sorte ! Peut-on se mêler de coiffer, quand on est aussi maladroit que vous l’êtes !

Il resta stupéfait ; elle jeta les yeux sur lui. Il y avait une grande distinction dans sa figure. Elle se repentit de sa vivacité.

— Le mieux, se dit-elle, est de prendre mon mal en patience.

Elle se plaça devant sa toilette d’un air tout à fait résigné :

— Je vais essayer, reprit-elle, de me coiffer moi-même, vous n’aurez qu’à me tenir les fleurs et les épingles.