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MOUCHE NE S’ATTAQUE.

Le roi, qui était alors Eustache troisième du nom, voulut mettre un terme à ces dissensions ; il ceignit le bonnet de coton royal, convoqua les états-généraux, et déclara dans un édit que ni le cidre d’Ingeville, ni le cidre de Montreville ne méritaient la prééminence, qu’elle appartenait au cidre de Ronenville, et que tout le monde eût à se conformer, dans ses paroles, dans ses actes et dans sa boisson, à la teneur de cet édit.

Il se forma alors en Yvetot un troisième parti, dit des politiques ; ceux-là tenaient pour le cidre en général et pour aucun cidre en particulier. Le roi, fort de l’appui de ce parti, crut avoir pour jamais assuré la tranquillité publique, et s’endormit comme un empereur qui n’a pas perdu sa journée.

Le roi Eustache iii, auquel les mémoires contemporains accordent un sens politique assez étendu, se trompa cependant dans cette circonstance. En croyant satisfaire les partis, il les indisposa tous. Comme il arrive toujours en pareil cas, les factions oublièrent l’objet de leurs disputes, elles se réunirent pour demander la révocation de l’édit de Ronenville. Les Ingevillistes et les Montrevillistes entourèrent en armes le Louvre d’Yvetot. Eustache iii fut chassé et déclaré incapable de régner, lui et ses descendants.

Le roi d’Yvetot se retira avec sa servante d’honneur, qui seule lui était restée fidèle, chez un seigneur du voisinage, le duc de Rochefort, qui lui promit d’armer ses valets et ses piqueurs pour le rétablir sur le trône de ses ancêtres.

Yvetot, privé de roi, chercha tout de suite les moyens de se gouverner. Les uns proposèrent d’établir une répu-