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À CAUSE DES BRANCHES.

joueur de vèze : encore volontiers se serait-il fait passer pour le plus noble, n’était que son père, — un simple tavernier, — portait en ses armes une écuellée de choux billetés de lard.

Aussi que de fois manqua-t-il d’être éreinté ! Que de fois joua-t-il à longue échine, balais, balais ! Que de fois fut-il vertueusement taboulé ! Sans compter les mépris que lui valait son outrecuidance ; les nuits passées en vain à l’huis de Margot — la-Halée, ou de Colichon-la-Jambue ; et les mauvais tours de tout genre que les copieux, les gausseurs, les fins fretés blasonneurs du village, ne se faisaient faute de lui jouer.

Malgré tout, Guillaume Caillet avait un ami ; et, par la raison qu’en amitié comme en bien d’autres choses, qui se ressemble ne s’assemble pas, Geoffroy Thibie était d’un naturel tout opposé : fort peu amoureux de l’éclat ou du bruit, faisant sa besogne, mauvaise ou bonne, par-dessous main, volontiers mystérieux, et, comme le chien de Nivelle, toujours prêt à s’en aller si on l’appelait.

Or, quand il voyait son cher Guillaume revenir à lui de quelque malaventure, tout grimaud, le mouchoir au nez, triste, biscarié, marmiteux, — Geoffroy ne faillait jamais, en le consolant, à lui rappeler une des plus sages maximes que nos anciens nous aient laissées :

Bon fait voler bas à cause des branches.

Mais, l’heure passée, les sermons allaient au diable ; Caillet, de plus belle entraîné par les suasions de son humeur vaniteuse, rebrassait son chaperon, et s’en allait de côté et d’autre étalant sa grande brave.