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PAR LA QUEUE, ETC.

plus poétique. « Cher diable, toi qui as inspiré tant de grands génies ; toi qui as su ranger parmi tes apôtres Dante, Michel Ange, Callot, Hoffmann, Panurge, Scapin, Figaro, sans compter tous les poêtes qui se donnent à toi vingt fois par jour pour attraper la rime, et quelquefois le bon sens, inspire-moi donc quelque heureuse et nouvelle idée, pour adoucir la férocité de mes dettes ; rogneleur les griffes ; lime-leur les dents ; fais-leur faire, s’il se peut, patte de velours… » Mais le diable souvent reste sourd à de pareils appels que tant de personnes lui adressent de tous les côtés, et il faut bien qu’il se fasse un peu tirer… non pas seulement l’oreille, mais par ce que nous disions, et on conçoit enfin que, malgré toute sa bonne volonté, la queue du diable ne puisse répondre à tout le monde à la fois.

Écoutez, mon ami, vous êtes aujourd’hui un des riches notaires de Paris ; votre maison est des plus recherchées ; chaque soir votre table est garnie de convives ; le matin, votre étude est assiégée de clients de toute espèce.

Mais vous souvenez-vous du temps où nous étudiions, ou plutôt où nous n’étudiions pas ensemble ? Vous rappelez-vous la fameuse lettre que vous écrivîtes à votre oncle de Louviers, peu de temps après les journées de juillet, lettre colossale et patriotique, datée du Panthéon, que nous composâmes à quatre, et dans laquelle vous annonciez à votre oncle l’intention de figurer dans la garde citoyenne, et de prêter l’appui de votre bras à l’ordre public et à la charte ?

Vous comptiez sur l’envoi de bank-notes ; mais votre oncle, qui était la sagacité même, jugea à propos de vous