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TIRER LE DIABLE PAR LA QUEUE, ETC.

doigts de la main ? Mais cette étymologie nous semblerait bien tirée par les cheveux, pour ne pas dire plus.

Ou bien ce proverbe aurait-il été inventé à l’occasion de cet autre personnage fantastique de la chanson de Goëthe : l’Élève du sorcier ? L’élève d’un magicien a retenu certaines paroles cabalistiques à l’aide desquelles son maître se fait servir par le diable. En l’absence de son maître, l’élève imagine de faire paraître le diable devant lui, et lui ordonne d’aller lui chercher de l’eau ; malheureusement il a oublié les paroles à l’aide desquelles on l’arrête, et le diable lui apporte coup sur coup tant de seaux d’eau, que bientôt la maison est inondée. Au moment où le diable s’élance pour apporter encore de l’eau, l’élève se précipite sur ses pas, et l’arrête… Je pense que ce ne put être que par la queue ; car le diable ne se laisse guère saisir que par là.

Tirer le diable par la queue voudrait donc dire alors agir inconsidérément, sans réflexion, et risquer de tomber dans un abîme, ou de se voir submergé comme l’élève du sorcier ?

Cherchons encore.

— Rien de plus simple, nous dit un homme déjà sur le retour, et qui a connu intimement feu M. de la Mésangère : tirer le diable par la queue signifie tout bonnement vivre dans la gêne ; porter des culottes râpées, un parapluie rouge, des besicles en cuivre, des gants de peau de lapin, et des épingles sur sa manche ; — voilà ce qu’on appelle tirer le diable par la queue.

— Halte là, Monsieur, je vous arrête ; car votre définition est insuffisante… Et ce diable que vous oubliez, ce diable qui a fait le proverbe, qui en est, on peut le dire, le