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À CHAQUE SAINT

— Salut, dit Fi-Ki en entrant, au plus grand poëte de l’Empire Céleste !

— Qui êtes-vous ? demanda Hang-Hong mécontent d’être dérangé au moment où il allait fumer sa pipe.

— Un sectateur ardent de la poésie fugitive, un de vos plus profonds admirateurs, un humble critique qui sait vos vers par cœur.

— Vous savez mes vers par cœur ? répondit Hang-Hong radouci.

— Qui ne retiendrait pas cet impromptu charmant que vous avez adressé à mademoiselle All-Mé, qui vous demandait son épitaphe ?

Sur l’écorce d’un noir cyprès,
Vous voulez en vain que je trace
Votre épitaphe et nos regrets ;
L’amour sans cesse les efface
Avec la pointe de ses traits.
Crois-tu, dit-il, qu’à son aurore,
All-Mé, plus brillante que Flore,
Ait rendu le dernier soupir ?
Le premier même est à venir ;
Mon ami, je l’attends encore.

Et ces stances pleines d’une grâce si douce ?

 L’amour vrai se plaît dans les larmes,
Et nous adorons la beauté,
Peut-être encor moins pour ses charmes.
Que pour sa sensibilité.
Si la rose aux jardins de Flore
Fixe les regards amoureux,
C’est lorsqu’elle brille à nos yeux
Couverte des pleurs de l’Aurore.