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LES PROVERBES VENGÉS.

brables bougies et ornée de roses du Bengale, de buissons vert-pomme, de cascades bleues, de piédestaux, de vases, de statues ; chacun reconnut l’île des Ballets.

On vit sortir de dessous terre de charmants petits Amours, hauts de trois pieds tout au plus, ayant les cheveux couleur d’azur, portant des colliers formés de cailloux transparents, une urne sous le bras, des couronnes de cresson sur la tête. Ils allèrent tous se jeter les uns après les autres, la tête la première, dans un réservoir entouré de fleurs, placé sur le devant de la scène. Quand le dernier Amour eut fait le saut périlleux, il s’éleva du fond du réservoir une nymphe d’une haute stature, couronnée de roseaux, aux mouvements sinueux, qui se mit à exécuter plusieurs pas charmants en forme de méandres.

On demanda l’auteur, et on apprit que ce ballet avait été composé par un vieux proverbe connu sous le nom de :

les petits ruisseaux font les grandes rivières.

Mais voici que tout à coup s’élève de terre une ville d’Orient avec ses fontaines odoriférantes, ses dômes, ses minarets, ses tours en pierre dorée ; c’est Bagdad du temps du célèbre Haroun-Alraschild. Un pauvre jeune homme s’avance et déplore la perte de ses biens ; on apprend par son récit qu’il est devenu le plus pauvre particulier de Bagdad : mais un moment après il est l’homme le plus riche et le plus puissant de la ville, car le voilà assis sur le trône du kalife lui-même ; il est vêtu de brocard, d’or et de perles, entouré d’eunuques noirs, d’émirs et de dames de la plus grande beauté, qui attendent un de ses regards. Chacun le reconnaît ; c’est ce bon Abou-Hassan, le Dormeur Éveillé ;