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SONT LES CONSEILS DU DIABLE.

Les femmes, eussent-elles mille robes, n’en ont jamais une la veille d’un bal.

— Voilà justement une pièce de satin d’un dessin merveilleux ; je suis sûr que votre faiseuse de modes est femme à tailler une robe dans une nuit.

— C’est vrai, dit nonchalamment madame Brémond.

— Croyez-moi, Madame, reprit le dandy insinuant, il faut combattre l’ennui par le plaisir ; le spleen est dangereux pour une jolie femme.

Madame Brémond sourit, hésita un instant ; mais la main de M. de Lespars avait déjà saisi le cordon de la sonnette. Suzette entra, et reçut ordre de porter tout de suite le satin chez la couturière.

Madame Brémond avait tout à fait oublié son amie, madame Ducornet.

M. Deschamps parut à cet instant à la porte du salon ; sa présence acheva d’irriter les nerfs de madame Brémond.

— Je ne vous dérange pas, j’espère ? dit le fabricant.

— Oh ! mon Dieu, non ; mais voilà justement M. de Lespars qui me priait d’aller choisir des bracelets, pour sa sœur, chez Janisset. Me permettez-vous de l’accompagner ?

— Faites, Madame, répondit M. Deschamps, qui semblait avoir perdu toute sa loquacité et sa joyeuse humeur.

Dix minutes après, madame Brémond, emmaillotée dans un cachemire, montait en calèche avec M. de Lespars.

— Au bois de Boulogne ! cria le valet de pied au cocher ; et la calèche partit.

M. Christophe Deschamps entendit la voix sonore du laquais ; il tressaillit, frappa de sa canne sur le parquet, enfonça son chapeau sur sa tête, et sortit avec fracas.