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LES PROVERBES VENGÉS.

je ne craignais de faire pousser les fleurs d’automne en même temps que celles du printemps.

Là-bas, autour de ce tulipier, vous apercevez sur des bancs de gazon une assemblée de vingt à trente personnes : plusieurs femmes sont jeunes et jolies, plusieurs hommes sont empressés et galants. Les femmes ont toutes de ces toilettes de campagne, soi-disant négligées, qu’inspirent la nature et les journaux de modes ; les hommes sont nonchalamment couchés sur l’herbe à leurs pieds.

Cependant, malgré la beauté de la journée, malgré les agréments du lieu, toute cette intéressante réunion s’ennuie, Mesdames, oh ! mais s’ennuie à tel point que la conversation vient de s’éteindre brusquement, et sans que personne songe à la ranimer. Et notez bien que cet ennui-là dure depuis plusieurs jours, et qu’on n’est encore qu’au commencement d’avril, et qu’il est deux heures de l’après-midi, et que la cloche du dîner, cette cloche douce et vénérée, ne sonnera guère que dans quatre heures.

Alors, un homme déjà sur le retour, poudré à frimas, habit vert-pomme, bottes à revers, figure ouverte et réjouie, se lève et tousse… On l’appelle « chevalier ». (Le chevalier ne se trouve plus qu’à la campagne.)

Après avoir considéré tout le monde attentivement et s’être frotté le front d’un air de satisfaction :

— Si nous jouions des proverbes ? s’écrie-t-il.

— Des proverbes ! y pensez-vous, chevalier ? dirent toutes les dames à la fois ; mais il y a un siècle qu’on ne joue plus de proverbes. – Sommes-nous donc à Saint-Malo ou à Carpentras ? Autant vaudrait nous affubler du chignon, des paniers et des falbalas. – Ah ! ah ! jouer des proverbes !