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DEVANT UNE POULE QUE DERRIÈRE UN BOEUF.

mais plusieurs tasses de sam-tsieou lui firent oublier ce léger chagrin, et il abandonna son cœur au plaisir.

Après l’avoir célébré sur tous les tons, son hôte lui demanda d’honorer la réunion par quelques couplets ; et Hou-Kong, se laissant fléchir après bien des prières, donna l’essora sa verve poétique. Les belles images, les nobles expressions lui venaient en foule, et il improvisa comme bien d’autres auraient voulu écrire. Le temps s’écoulait pourtant, trop rapide au gré des joyeux buveurs, et l’heure du Mouton était déjà sonnée, lorsque M. Hou-Kong songea que le frère de l’impératrice et le commandant des gardes l’attendaient à la ville. Le Fou des Fleurs et ses amis l’accompagnèrent jusqu’au delà de l’enceinte en le comblant de remerciements, et en exaltant le bonheur qu’ils lui devaient.

Tout étourdi de leurs éloges, et la tête un peu entreprise par la liqueur qu’il avait bue, Hou-Kong, cheminant sur sa mule, se serait pris volontiers pour Lao-Tse sur son buffle noir. Il fredonnait des chansons, et composa ces quatre vers :

Quand on a bu trois verres, on a l’intelligence de la Grande Voie ;
Quand on a vidé la bouteille, on est identifié avec elle.
Ce n’est que dans les vapeurs du vin qu’on trouve le vrai bien-être ;
Et, sans s’éveiller de son ivresse, le poëte passe à la postérité.

Peu s’en fallut, qu’emporté par le flot de ses pensées, il ne passât sans s’arrêter devant la salle de la belle littérature, où les examinateurs lui avaient donné rendez-vous.

Ces messieurs étaient choqués au plus haut point de ce que le vieux poëte ne fût point encore venu, et qu’il les