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C’É PAS Z’AFFAI MOUTONS.

ner dans les armées. Je suis cause de sa perte, vu que ses sentiments pour moi l’ont égaré à s’enrôler depuis un mois dans votre régiment sous le nom de Valentin, qui n’est pas le sien. Voyez donc le joli soldat que vous auriez, amoureux à n’en pouvoir plus, et qui déserterait comme l’Alexis de M. Sedaine. Allons, monsieur le marquis, rendez-le moi de suite, ce pauvre garçon. Vous ne trouverez pas toujours une aussi belle occasion d’obliger une petite personne dont l’ingratitude n’est pas le péché mignon, et qui sera heureuse de vous montrer la reconnaissance avec laquelle elle ose se dire, en attendant mieux,

Votre très-humble servante,
M. Miré,
Pensionnaire de l’Opéra.


À MADEMOISELLE MANON LECLERC DE L’OPÉRA.


Manon, Manon, je suis libre : la grâce a touché mon farouche colonel. Il avait refusé à la marquise, sa femme, d’annuler mon engagement, et je croyais t’avoir à jamais perdue, lorsque hier, par son ordre, un sergent m’a conduit à son hôtel. Je soupçonne que tu sais déjà la scène de comédie, où j’ai dû jouer, impromptu, le rôle le plus bizarre.

Le marquis était, en négligé du matin, dans un petit salon, derrière sa chambre à coucher : près de lui, sur un fauteuil, une petite femme, qui tournait le dos à la porte, et dont je n’apercevais d’abord que les mules de satin rose.