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METS TON MANTEAU

marin, partit pour le Brésil, à bord de la Jeune Adolphine.

Paul rencontra à Rio-Janeiro un ami de sa famille, qui était en marché pour acheter une sucrerie ; Paul vendit sa pacotille et s’associa au planteur. Trois jours après, il s’installa dans la campagne.

Les habitués du boulevard des Italiens rirent beaucoup à la réception d’une lettre où l’on remarquait ce passage : « Je fume des cigares de la Havane fabriqués à Rio avec des feuilles de tabac du Maryland ; j’ai un pantalon blanc, une veste blanche et des bas blancs, le tout en coton ; un chapeau de paille me défend des ardeurs de la canicule. Au Brésil, on ne connaît qu’un seul mois, le mois d’août. Il y a des instants où je passerais pour un vrai Paul si j’avais la moindre Virginie ; mais je n’ai autour de moi que des nègres : je les appelle tous Domingo. Ils plantent des cannes du matin au soir en chantant des ballades sénégalaises… Notre habitation ressemble à une décoration d’opéra-comique… Je dîne de perroquets et soupe de singes. J’apprends la langue franque… Quand j’aurai découvert une mine de topazes, j’enverrai à mademoiselle Florestine le collier de rubis que mon notaire m’a empêché de lui donner… S’il vous prend fantaisie de chasser aux alligators, venez me voir ; j’ai, dans mon parc, qui est une forêt vierge, une rivière où ils grouillent comme des goujons… »

Il y en avait dix pages sur ce ton-là.

Au bout de quatre ans, on vit arriver Paul à Paris. Son premier soin fut de se rendre au boulevard des Italiens. Il n’était pas changé, si ce n’est qu’il avait un peu bruni.