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N’A JAMAIS PRIS DE SOURIS.

taine, qu’on voit s’élever dans la grande allée des Champs-Élysées, un de ces théâtres que Pierre Bayle et Charles Nodier affectionnaient tant, et que quelques-uns de leurs élèves ont égalé à Molière et à Shakespeare, le théâtre des marionnettes, enfin, pour parler sans métaphore ; ce fut là seulement que notre héros trouva de l’emploi. Le matou qui donnait la réplique à Polichinelle venait de mourir d’un coup de bâton, par trop paradoxal, que celui-ci lui avait appliqué. On proposa cette condition au pauvre chat, qui la refusa, ne voulant pas descendre à ce degré d’avilissement.

Il préféra se retirer fièrement dans un grenier ; et lui, qui était habitué à vivre d’alouettes, de grives, d’ortolans, il résolut de braver les coups du sort et de vivre, comme ses pères, de souris.

Mais, hélas ! il avait entièrement oublié le métier d’attrapeur de souris, qui exige plus de main d’œuvre et de pratique qu’on ne croit ; sa patte manquait d’agilité, sa griffe était rouillée. La famine lui pendait à l’oreille.

Il ne lui restait plus du mobilier de ses pères qu’une huche beaucoup trop rustique et délabrée pour qu’aucun brocanteur eût jamais daigné l’estimer ; elle remontait cependant à une haute antiquité. Le chat l’ouvrit et se coucha au fond, bien décidé à se laisser mourir d’inanition. Mais, comme il fermait les yeux, il avisa, à l’un des angles du meuble, les lignes suivantes griffonnées par son aïeul :


« 16… — Quand mon fils, petit-fils ou arrière-petit-fils, s’avisera « d’ouvrir cette huche, je crains bien qu’il n’ait pas trop à se louer de la destinée. J’ai cependant, durant toute ma jeunesse, dormi et couché dans ce vieux meuble qui appartenait au meunier, le père de mon