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SYLLOGISME

parfaite : lelecteurydistingue immédiatement les prémisses et la conclusion. Quant aux termes, les extrêmes sont forme de gouvernement et (chose) imparfaite : le moyen est institution humaine. Au point de vue de l’extension, on peut voir que l’un des extrêmes, sujet de la conclusion, est compris dans l’autre attribut : c’est pourquoi le premier s’appelle petit terme ou mineur, et le second, grand terme ou majeur. Par cela même on donne le nom de majeure à celle des deux prémisses qui contient le grand terme, et le nom de mineure à celle qui (initient le petit. Le moyen terme, qui est le pivot du syllogisme, doit son nom tout à la fois à sa fonction (il esl le moyen de la démonstration, étant la raison ou la cause de la conclusion : pourquoi toute forme de gouvernement est-elle imparfaite ? parce qu’elle est une institution humaine), à sa place (il est au milieu des extrêmes, intermédiaire entre l’un et l’autre) et a son extension (il est en effet plus étendu que le petit et moins étendu que le grand). Aussi tout l’intérêt de la théorie du syllogisme réside— t-il dans l’interprétation du rùle qu’y joue le moyen terme ; et cette interprétation varie selon qu’on se place au point de vue de l’extension ou de la compréhension des termes. Au premier point de vue, qui est celui des logiciens de l’école, le moyeu sert à faire voir que le petit que lui-même contient est comme lui contenu dans l’extension du grand ou exclu de cette extension. Le principe fondamental du syllogisme est alors le dictum île omni et nullo qui se formule ainsi : Dictum de omnietnullo dicitur etiam de quibusdam et singulis ; et le syllogisme peut se symboliser, selon la méthode d’Euler, par les rapports de trois cercles qui s’enveloppent ou qui se coupent. Au second point de vue, le moyen sert à faire voir que le grand que lui-même contient est lui-même contenu dans la compréhension du petit ou qu’il en est exclu ; et le principe du syllogisme est alors le dictum de continenti et contenta : Quod dicitur de continenti dicitur etiam de contento ou, sous une forme qui s’applique plus expressément à la compréhension : Prœdicatum prœdicati eut etiam prœdicaium subjecti. — Les lois qui font dépendre la conclusion des prémisses et qui règlent les rapports des termes entre eux ont été déterminées par Aristote et résumées par les logiciens du moyen ùge en formules latines dont on attribue la paternité à Pierre d’Espagne (Jean XXIII) : Terminus esto triplex : médius majorque minorque. Nunquam contineat médium conclusio fas est. Aut semel aut iterum médius generaliter esto. Latius nos quani prœmissœ conclusio non vult, Ambœ affirmantes nequeunt generarc negantem. Utraque si prsemissa neget, nihil inde sequetur. Nil sequitur geminis ex particularibus unquam. Pejorem sequitur semper conclusio partem. On remarquera que les quatre premiers vers sont relatifs aux termes et les quatre derniers aux propositions. Le troisième contient une des conditions les plus importantes de la validité du syllogisme : à savoir que le moyen terme doit être pris au moins une fois dans toute son extension ; le huitième signifie que si l’une des deux prémisses est négative ou particulière, la conclusion l’est forcément aussi. — -Comparés entre eux au seul point de vue de leur formeet abstraction faite de leurmatière c.-àd. du contenu des notions qui les composent, les syllogismes diffèrent, soit par la figure, soit parle mode. La figure dépend de la place occupée par le moyen dans les prémisses. Or il n’y a que quatre combinaisons possibles : ou le moyen est sujet dans la majeure et attribut dans la mineure, ou il est attribut dans les deux, ou il est sujet dans les deux, ou il est attribut dans la majeure et sujet dans la mineure. Ces quatre combinaisons constituent les quatre figures auxquelles on n’a pas donné de nom particulier et qu’on désigne simplement par des numéros : I e , 2 e , 3 e , etc. Elles sont résumées dans ce vers mnémonique où sub veut dire sujet (subjectum) et prœ, prédicat, attribut (prœdicatum) : Sub prœ, tum pre prœ, tum sub sub, denique prœ sub. Aristote n’admet que trois figures, la première où le moyen est sujet dans l’une des prémisses et attribut dans l’autre (et qui comprend par conséquent la quatrième), la deuxième où il est attribut dans les deux prémisses, et la troisième où il est deux fois sujet. La quatrième figure a été, dit-on, détachée de la première par le médecin philosophe Galien, d’où le nom de figure galénique qu’on lui donne quelquefois. En outre, d’après Aristote, la première figure est seule parfaite ; les deux autres sont dites imparfaites et doivent se ramener à la première pour devenir complètement démonstratives. Il semble bien cependant que ces différentes figures représentent toutes trois des formes également naturelles et légitimes du raisonnement, comme Lachelier a essayé de le démontrer. — Le mode d’un syllogisme dépend de la quantité et de la qualité des propositions qui le composent. On sait que les logiciens distinguent, à ce double point de vue, quatre espèces de propositions, les universelles affirmatives et négatives et les particulières affirmatives et négatives, symbolisées respectivement par les quatre voyelles A, E, I, 0. Sans entrer ici dans le détail des divers procédés employés pour déterminer les modes concluants, disons qu’on en reconnaît généralement 19 dont i dans la première figure, 4 dans la deuxième, 6 dans la troisième et 5 dans la quatrième. Les scolastiques leur ont donné des noms conventionnels en prenant pour squelettes de ces noms les trois voyelles qui symbolisent dans chacun d’eux les propositions composantes. En voici la liste rédigée en vers mnémotechniques :

Barbara, celarent, darii, ferio, data Primx ; Cesare, camestres, i’estino, baroko, Secundx ; Tertio., darapti, disamis, datisi, l’elapton, Bocardo, fenson, habet ; quarla insuper addit Bramantip, camenes, dimaris, t’esapo, fresison. Le syllogisme que nous avons donné plus haut comme exemple étant composé de trois universelles affirmatives, A, A, A, appartient au mode Barbara de la première figure. — Tout ce qui vient d’être dit concerne le syllogisme simple ou catégorique, dans lequel les trois termes sont affirmés ou niés purement et simplement, mais il y a aussi des syllogismes composés dans lesquels l’affirmation ou la négation implique en outre soit une condition soit une alternative. Tels sont le syllogisme hypothétique (si a est b, il est c ; or il est b ; donc il este ; — ou au contraire, or il n’est pas c, donc il n’est pas b) et le syllogisme disjonctif (a est b ou c ; or il est b, donc il n’est pas c ; ou au contraire, or il n’est pas b, donc il est c) auxquels se rattache le dilemme qui est une combinaison de l’un et de l’autre et qui pourrait se schématiser ainsi : si a est b ou //, il est c ; or il est b ou b’ ; donc il est c ; — ou au contraire, il n’est ni b ni //, donc il n’est pas c. — En outre, du syllogisme simple dérivent des syllogismes plus ou moins irréguliers, dont les principaux sont l’enthymème, Yépichérème, le polysyllogisme qui se décompose en prosyllogisme et épisyllogisme, le sorite, etc. — Le syllogisme a été porté aux nues par la scolastique qui en a fait la méthode unique, universelle après l’avoir d’ailleurs réduit à une mécanique, à la fois vide et compliquée, où l’application des règles dispensait de réfléchir aux idées mêmes et à leurs rapports. Mais, d’une part, autre chose est la déduction, opération vivante de l’esprit, susceptible de revêtir une infinité de formes concrètes, autre chose le syllogisme, formule théorique, idéale, schématique de la déduction artificiellement réduite à ses éléments essentiels. Il est vrai que tout raisonnement, pour être correct, doit pouvoir se ramener à un ou plusieurs syllogismes ; mais il serait trop long et le plus souvent inutile d’opérer cette réduction : c’est, dit Leibniz, comme si l’on voulait toujours compter sur les doigts, même dans les calculs des hautes mathématiques. D’autre part, la déduction (et à plus forte raison le syllogisme ) ne saurait être la méthode unique, universelle.