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SURVEILLANCE SERVIE

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surveillance devait déclarer le lieu où il voulait lixer sa résidence ; il ne pouvait en changer sans autorisation du ministre de l’intérieur, et cette autorisation ne pouvait lui être accordée qu’autant qu’il y justifiait d’un séjour d’au moins six mois. Le condamné devait se présenter dans les vingt-quatre heures de son arrivée devant le maire du lieu qui lui était assigné ; il était tenu de faire constater qu’il ne l’avait pas quitté en se présentant à des époques fixées, soit à la mairie, soit au bureau de police. Toute infraction à ces dispositions constituait la rupture de ban (V. Ban, t. V, p. 198). La surveil lance pouvait être remise ou sa durée réduite par voie de grâce, ou bien être suspendue par voie administrative. Les résultats de cette pénalité étaient désastreux : désignant en quelque sorte le condamné à l’attention publique, elle empêchait d’une façon à peu près absolue son reclassement dans la société. La surveillance de la haute police a été supprimée par la loi du 27 mai 1885 et remplacée par la défense faite au condamné de paraître dans certains lieux dont le séjour lui serait interdit par une décision du gouvernement. Les dispositions qui réglaient l’application, la durée, la remise et la suppression de la surveillance sont applicables à l’interdiction de séjour ; elle ne peut toutefois être prononcée que comme peine accessoire. Le condamné n’est plus assujetti à résider dans un lieu déterminé, ni soumis à une surveillance incessante ; il lui est simplement interdit de se présenter dans quelques lieux ou contrées qui lui sont désignés, les uns à titre général comme le dép. de la Seine, les autres à titre spécial. Cette interdiction est portée à la connaissance du condamné par un arrêté dn ministre de l’intérieur pris sur le rapport du préfet et qui doit lui être signifié avant sa libération. Dès lors jusqu’à l’expiration du temps fixé par le jugement pour la durée de l’interdiction, qui ne peut excéder vingt ans, le condamné reste libre de se rendre sans être inquiété en quelques lieux que ce soient, à l’exception de ceux qui lui sont formellement prohibés. Les infractions aux arrêtés d’interdiction de séjour sont punies d’une peine de six jours à cinq ans d’emprisonnement. L. Levasseur.

SURVIE. Présomption de Survie. — Lorsque deux personnes meurent dans le même événement, et qu’elles sont appelées à la succession l’une de l’autre, il est important de déterminer laquelle est morte la première, puisque celle d’entre elles qui a survécu à l’autre, ne fût-ce que d’un instant, a succédé à celte dernière. La preuve de l’ordre des décès peut être administrée par tous moyens, même par témoins et par présomptions de faits ; par exemple on peut décider qu’un incendie s’étant déclaré au second étage d’une maison, la personne qui habitait à cet étage est présumée être morte avant celle qui habitait à un étage supérieur ou inférieur. Lorsque toute preuve ou présomption de fait manque, les deux défunts sont réputés être morts au même instant, car, pour que l’un d’eux pût succéder à l’autre, la preuve devrait être apportée qu’il est décédé après lui, ce qui, par hypothèse, est impossible. Cependant les art. 720 à 722 du C. civ. ont émis certaines présomptions légales connues sous le nom de théorie des comouranU ou des commotientes. Ils divisent la vie humaine en trois périodes : 1° de la naissance à l’âge de quinze ans ; de quinze à soixante ans ;

-J° à partir de soixante ans. Les solutions données par la

loi se rattachent à l’idée que, dans la première période, les forces croissent avec les années, qu’elles restent stationnâmes dans la seconde et qu’elles diminuent dans la troisième. En conséquence, lorsque les deux défunts appartiennent à la première période, le plus âgé, qui est réputé avoir offert la plus grande force de résistance, est présumé avoir survécu si les circonstances du fait ne permettent pas de déterminer l’ordre du décès. Dans la seconde période, la loi présume que les décès se sont produits dans l’ordre naturel de l’âge, c.-à-d. que le plus jeune est présumé avoir survécu ; toutefois, si les deux défunts n’étaient pas du même sexe, et si en outre ils étaient du même âge ou qu’il y eût entre eux une différence d"âge n’excédant pas un an, le mâle est présume avoir survécu. Enfin, dans la troisième période, la force de résistance décroissant avec l’âge, le plus jeune est présumé avoir survécu.

Mais il peut arriver que les deux comourants appartiennent à deux périodes différentes. L’art. 721 dit seulement que si l’un d’eux avait moins de quinze ans et l’autre plus de soixante, le premier est réputé avoir survécu. Il néglige les hypothèses, soit où l’un a inoins de quinze ans et l’autre de quinze à soixante ans, soit où l’un a de quinze à soixante ans et l’autre plus de soixante ans. L’opinion commune veut que dans le premier cas le plus âgé et dans le second cas le plus jeune soit réputé avoir survécu. Mais, comme les présomptions légales sont de droit étroit, il y a des doutes sur ce point.’ Que si les deux défunts sont du même âge (et en dehors du cas, indiqué plus haut, ou ils appartiennent à la seconde période et sont de sexes différents), ils sont, à défaut de présomptions légales, réputés être décédés en même temps ; la succession de chacun d’eux est doncdévolue comme s’il avait survécu à l’autre. Mais des jumeaux ne sont pas considérés comme étant du même âge. On admet généralement que le premier qui est sorti du sein de sa mère est le plus âgé au point de vue de l’application des art. 720 à 722.

Ces questions de survie se posent fréquemment lorsque la mère et l’enfant succombent ensemble pendant le travail de l’accouchement. Si les circonstances de fait ne peuvent donner la solution, on admet que la mère a survécu. L’application des présomptions fournies par ces textes n’est pas aussi large qu’on pourrait le supposer. Elle est limitée à deux points de vue. En premier lieu, la loi suppose le décès de « plusieurs personnes respectivement appelées à la succession l’une de l’autre ». Si donc un seul des comourants était héritier présomptif de l’autre, sans réciprocité (par exemple s’il s’agit de deux frères dont l’un a des enfants) les présomptions ne s’appliquent plus. Elles ne s’appliquent pas davantage si les deux défunts étaient appelés à se succéder réciproquement, non pas comme héritiers légitimes, mais comme légataires ou donataires. Ils sont alors réputés être décédés au même instant. D’autre part, la loi suppose que les deux défunts « périssent dans un même événement ». Les présomptions cessent donc de s’appliquer, et les défunts sont considérés comme étant morts en même temps, si les événements dans lesquels ils sont décédés sont différents. L’incendie d’une maison est un événement unique ; il en est de même du naufrage d’un bâtiment. L’assassinat de plusieurs personnes est au contraire un événement multiple, alors même qu’il a été commis par une même personne dans uu même local ; c’est ce qui a été décidé à propos des assassinats de Pranzini.

Toutefois, une loi spéciale, celle du 20 prairial an IV, a décidé que si plusieurs personnes appelées à se succéder réciproquement sont condamnées à mort et exécutées, la plus jeune est présumée avoir survécu, lorsque le moment exact de leur décès respectif ne peut être fixe. Ce texte, qui est toujours en vigueur, mais dont la jurisprudence n’a jamais eu à faire l’application, établit une présomption légale dans une hypothèse où les événements ayant occasionné le décès n’est pas unique. La loi de prairial diffère encore du code civil, en ce qu’elle établit une présomption invariable, quel que soit l’âge respectif des défunts.

Gains de survie. — Les gains de survie sont les avantages qui sont promis, sur les biens de communauté, soit à celui des deux époux qui survivra à l’autre, soit à un seul d’entre eux (généralement la femme), s’il survit à l’autre (V. Communauté, Donation entre époux, t. XIV, p. 893, PRÉciPur). Albert Wahl.

Bibl. : Législation. — Aubrv et Hau. Cours dedr. civ.