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SIMON

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tion de crime rituel (4670). Il publia ensuite des écrits sur la littérature rabbinique, alors ignorée et dédaignée de tous les théologiens chrétiens : une traduction des Cérémonies et coutumes des juifs de l’Italien Léon de Modène (1674), une Comparaison des cérémonies des juifs et de la discipline de l’Eglise (1681) ; et sur les Eglises d’Orient : Fides Ecclesiœ orientaiis (1671) ; Voyage du P. Dandiniau mont Liban (1675) ; Anliquitates Ecclesiœ mientalis (1082) ; Histoire critique de la créance et des coutumes des nations du Levant (1684) ; la Créance de l’Eglise orientale sur la transsubstantiation (1687), etc. Ces ouvrages, composés au point de vue objectif et purement historique delà critique moderne (dont R. Simon est, comme on l’a dit, « le père »), valurent à leur auteur la malveillance de tous les théologiens adonnés à l’ancienne méthode argumentative, des tahnudistes et des docteurs réformés, des messieurs de Port-Royal et de Bossuet. Mais c’est l’Histoire critique du Vieux Testament (1678), dont toutes les œuvres antérieures de R. Simon n’étaient, pour ainsi dire, que la préparation, qui déchaîna surtout les colères. C’était un essai de reconstruction scientifique de l’histoire littéraire des Israélites. R. Simon avait sollicité et obtenu, pour cet ouvrage, les approbations des censeurs et du supérieur général de l’Oratoire, et le P. La Chaise, confesseur de Louis XIV, avait promis d’obtenir du roi la permission que le livre lui fût dédié, lorsque la table des matières, distribuée en guise de prospectus, tomba entre les mains de l’abbé E. Renaudot, qui la soumit à Bossuet. Le précepteur i’u dauphin déclara aussitôt que « ce livre était un amas d’impiétés et un rempart du libertinage ». Par son influence et par celle de Port-Royal, l’Histoire critique fut supprimée, et le lieutenant de police La Reynie fît mettre toute l’édition (4.300 exemplaires) au pilon. Après ce scandale, l’Oratoire jugea bon d’exclure le P. Simon (21 mai 1678). Plusieurs éditions subreptices de l’ouvrage condamné parurent, d’ailleurs, en Hollande (la plus correcte est celle de 1685, chez Leers). R. Simon vécut désormais dans sa cure de Bolleville au pays de Caux (jusqu’en 1682), puis à Paris, à Rouen et à Dieppe. Les trente dernières années de sa vie ont été très fécondes. D’abord, il répondit avec un zèle infatigable et un talent de polémiste étonnamment souple aux attaques que l’Histoire critique lui attira de divers cotés : il disputa contre Vossius, Spanbeim, Jurieu, Colomiès, Jean Le Clerc, et beaucoup d’autres. Il entreprit ensuite d’écrire V Histoire critique des principaux commentateurs du Nouveau Testament (1693) et l’Histoire critique du texte du Nouveau Testament. Au printemps de 17(12 parut à Trévoux le Nouveau Testament traduit en français, dédié au duc du Maine, souverain des Bombes, avec une approbation signée deBourret, professeur d’Ecriture sainte en Sorbonne. Mais Bossuet veillait. Quoique âgé de soixante-quinze ans, il entreprit de foudroyer la « scandaleuse Version », la critique socinienne, « licencieuse, ignorante, sans théologie » de Simon, ce « secret partisan des hérétiques, des schismatiques, des incrédules». U ne parait pas, cependant, que, cette fois, le vieil adversaire de Simon ait eu pour lui l’unanimité des théologiens les plus éclairés, et c’est avec beaucoup plus de peine qu’en 1678 qu’il obtint de l’autorité des mesures coercitives. Alors R. Simon se tourna vers l’histoire ecclésiastique et des dogmes ; mais c’était aussi un terrain brûlant, et les dernières productions de sa plume (la Critique de la bibliothèque ecclésiastique de Du Pin, etc.) ne devaient pas trouver meilleur accueil que les précédentes auprès des gens dont la tournure d’esprit, respectueuse et conservatrice, était antipathique à la sienne ; il suflit, pour s’en convaincre, de lire la Défense de la tradition et des saints pères, de Bossuet, publiée en 174 !!. — R. Simon, qui était chétif, disgracié de la nature, jouit àprement des seuls plaisirs qu’il ait eus dans sa vie médiocre, solitaire et troublée : celui de découvrir des vérités et de relever les erreurs de ses confrères en érudition, les sottises des théologiens, ces « prétendus défenseurs de la tradition qui n’étaient », comme on l’a dit, « que les avocats de l’apocryphe pieux et du faux édifiant ». Il n’eut ni amis, ni élèves immédiats ; mais son influence posthume a été très considérable. C’est, dans l’histoire des sciences historiques, une des têtes les plus lucides, un des hommes qui ont offert l’exemple le plus remarquable de cette hyperesthésie du « sens critique » qui fait les grands érudits. C’était aussi un écrivain , simple et direct, d’une ironie et d’une méchanceté redoutables. — Il a toujours protesté de sa parfaite orthodoxie, et il est mort dans la communion de l’Eglise. — Ses papiers ne se sont pas retrouvés. Son premier biographe raconte que peu de temps avant sa mort, alors qu’il résidait à Dieppe, il fut à l’improviste mandé par l’intendant de Rouen, qui, sur un rapport des PP. jésuites, croyait devoir s’informer de ses recherches et de l’état de ses manuscrits ; « troublé, inquiet, il ne fut pas plutôt rentré chez lui que, remplissant plusieurs tonneaux de notes et d’écrits de tout genre, il alla les brûler hors de la ville ». Cette anecdote a été considérée comme suspecte. Ch. -V. L. Bibl. : A. Bernus, Richard Simon ; Lausanne, 1869. — Du même, Notice bibliographique sur Richard Simon ; Bàle, 1882. — H. Margival, Essai sur Richard Simon et la Critique biblique au xvn» siècle ; Paris, HiOO (avec la bibliographie complète, pp. 7, 331).

SIMON (Denis), canoniste, né en 1660, mort en 1731. Œuvre principale : Nouvelle Bibliothèque historique et chronologique des principaux auteurs ’du droit civil canonique (Paris, 1692-95, 2 vol. in-12). SIMON (Antoine), ollicier municipal de la commune de Paris, gardien de Louis XVII au Temple, né à Troyesen 1736, exécuté à Paris au lendemain du 9 thermidor (28 juil. 1794) (V. Louis XVII).

SIMON (Fran< ;ois-Jules Suisse, dit, Jules), philosophe et homme d’Etat français, né à Lorient le 27 déc. 1814, mort à Paris le 8 juin 1896. Fils d’un marchand de draps, il fit de bonnes études aux collèges de Lorient et de Vannes, fut répétiteur au lycée de Rennes, commença de bonne heure à collaborer à la Revue de Bretagne, entra à l’Ecole normale en 1833, devint professeur de philosophie à Caen (1836) et fut appelé en la même qualité à Versailles (1837), V. Cousin estimant fort ses qualités d’helléniste et les employant à des traductions de Platon qu’il signait imperturbablement. Simon suppléa aussi Cousin dans sa chaire de la Sorbonne oU il fit un cours, très suivi, sur les philosophes grecs, notamment Platon et Aristote. Il débuta à la Revue des Deux Mondes, contribua à la fondation de la Liberté de penser (1847). Il avait déjà songé à la politique et. malgré une campagne électorale des plus actives, il avait échoué aux élections législatives à Lannion (1847) contre la coalition des partis d’extrême droite et d’extrême gain lie. Il prit sa revanche, et une revanche éclatante, le 23 avr. 1848. Le dép. des Cotes-du-Nord l’envoya à la Constituante où il siégea parmi les modérés. Il travailla énormément dans les grandes commissions, se prononça vivement contre le communisme et s’occupa surtout de ces questions d’enseignement qui le passionnaient. Il démissionna le 16 avr. 1849, pour entrer au conseil d’Etat. Mais, brusquement, il perdit toutes ses situations officielles : d’une part, il ne fut pas réélu au conseil lors de la réélection du premier tiers de ses membres, d’autre part, il ne fut pas réélu à l’Assemblée législative. Il allait perdre aussi ses situations dans l’enseignement. Quelques jours après le coup d’Etat" du 2 Décembre (7 déc. 1851), il se rendit à son cours de la Sorbonne et prononça l’allocution suivante, devenue fameuse et qu’il faut ici reproduire : « Messieurs, je vous fais ici un cours de morale. Je vous dois aujourd’hui non une leçon, mais un exemple. La France est convoquée demain dans ses comices pour blâmer ou approuver les événements qui viennent de se passer. N’y eût-il qu’un vote de blâme, je viens vous dire publiquement que ce sera le mien ». 11 tut ré-