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à la France et à son influence à l’étranger. Il lui fallut le refaire imprimer plus tard à Londres (4813, 3 vol. in-8), à Leipzig (1814, 3 vol. in-8).

A Coppet, placée sous la surveillance du préfet du Léman (M. de Barante), il lui fut défendu de recevoir. Ce dernier coup avait mis le comble à son désespoir. Ce fut nu uouvel amour qui la consola, celui pour un jeune Genevois de vingt-trois ans, officier de houssards en Espagne, de Rocca, que des blessures avaient ramené au pays natal. Charmant, enthousiaste, aimant, il s’imposa par sa tendresse, et au commencement de 1811 un mariage tenu secret — car elle ne voulait pas quitter le nom qu’elle avait rendu célèbre — l’unit à elle. Mais d’autres troubles l’attendaient. Subitement jaloux, B. Constant voulait se battre avec Bocca, puis il se résigna ; mais de Paris on frappa ses amis autour d’elle, M"’ Bécamier, Math, de Montmorency furent exilés, Schlegel expulsé de Coppet. Elle se décida alors à fuir la Suisse. Le 22 mai 1812, elle partit avec ses trois enfants, suivie bientôt par Rocca. Parvienne et Varsovie, elle pénètre le 14 juil. en Bussie, vingt jours après le passage du Niémen par les Français, est reçue à Moscou par Alexandre, revient avec lui à Saint-Pétersbourg où elle se rencontre avec le baron de Stein, l’ennemi irréconciliable comme elle de Napoléon, et avec Joseph de Maistre. et en septembre — le mois de l’incendie de Moscou — s’embarque de Biga pour la Suède ou Bernadette lui parait déjà un successeur possible de Napoléon, et où elle trouve encore le temps d’écrire la seconde partie de Dix années d’exil, commencé à la fin de 1810.

Au mois de juin 1813, elle aborde en Angleterre, y fait imprimer l’ 'Allemagne ’, et pendant quatre mois (juinoctobre ) est l’objet de l’accueil empressé des émigrés et de la société anglaise, voit Byron, mais non W. Scott qui l’évite. L’abdication de Napoiéon lui rouvrit la France, et elle était à Paris quand Louis XVIII y rentra (8 mail 814). Convertie à une restauration des Bourbons, son cœur cependant avait saigné de nos dernières défaites. Quand les coalisés avaient franchi la frontière française (déc. 1813), elle avait frémi, et quand B. Constant avait publié en janv. 1814 son pamphlet en faveur de la coalition, De l’Esprit des conquêtes, elle lui avait écrit : « Ce n’est pas le moment de calomnier les Français quand les Busses sont à Langres. Dieu m’exile à jamais de la France, plutôt que je doive mon retour aux étrangers ! » Cependant elle leur dut ce retour, et elle l’accepta. Après avoir passé l’été de 1814 à Coppet, elle rentre à Paris à l’automne, et dans son salon rouvert et couru s’indigne déjà de la réaction royaliste et se fait centre d’opposition. Chassée par le retour de Napoléon (20 mars 1815), et tout en blâmant B. Constant de son adhésion au gouvernement des Cent-Jours, elle sort de son silence pour plaider en faveur de l’intégrité du territoire français (Loi 1res à un ami d’Angleterre et Lettre au duc de Richelieu, 20 juin 1815). Obligée, pour sa santé très ébranlée et pour celle de Bocca, de passer l’hiver de 1815-16 en Italie, où a lieu, à Pise, le mariage de sa fille Albertine avec le jeune duc Victor de Broglie (fév. 1816), et rentrée à Coppet au mois de juin, elle y vit Stein, mécontent des alliés, comme elle l’était déjà des Bourbons, et elle ne revint s’établir à Paris, dans sa nouvelle demeure de la rue Boyale, qu’à la fin de 1816, près de dix-huit mois après l’avoir quitté. C’était le moment de la dissolution de la Chambre introuvable. Atteinte gravement dans sa santé, pendant cinq mois elle se prodigua cependant de toutes les manières, dans les réceptions, dans son salon, dans des travaux littéraires dont le principal était la revision de ses Considérations sur la Révolution Inntt aise. Frappée, en fév. 1817, de paralysie à un bal chez le duc Decazes, elle languit encore cinq mois, recevant cependant ses amis sur ce lit où elle était condamnée à l’immobilité, comme par une sorte d’ironie de la Providence, après l’activité qui avait dévoré sa vie. Ce fut

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dans un hôtel de la rue des Mathurius, qui possédait un grand jardin, Où on l’avait transportée, qu’elle mourut à l’âge de cinquante et un ans. Le soir du 13 juil., elle s’était endormie sous l’influence de l’opium, elle ne se nveilla pas. Elle fut inhumée à Coppet. Après sa mort, le silence se fit tout à coup sur elle. Joubert a dit à ce sujet : « Sans les journaux, la fin d’une vie si tumultueuse n’aurait pas fait le moindre bruit». Bocca lui survécut peu et mourut le 30 janv. 1818 aux lies d’Hyères. Son mariage avait été rendu public aussitôt après la mort de, M me de Staèl. De son premier mariage, elle avait eu trois enfants : Auguste (V. ci-dessous) ; Albert, tué en duel en 1813 ; Albertine-Ida-Guslavine, duchesse de Broglie, née en 1797, morte en 1838. En 1812, elle eut aussi un fils de Rocca.

Pendant son dernier séjour en Angleterre, M’"" de Staèl avait publié : Réflexions sur le suicide (Londres, 181 3, in-8), sorte de réfutation de son livre sur les Passions, commencé en 1809 ; Zulma et Trois Nouvelles, précédées d’un Essai sur les fictions (Londres, 1813, in-8). Après sa mort, ses héritiers publièrent les Considérations sur les principaux événements de la Révolution française (Paris, 1818, 3 vol. in-8) ; Dix années d’exil (Paris, 1821, in-8), dont le premier est, avec celui de /’ Allemagne, les deux plus importants de ses écrits. Son fils a donné ses Œuvres complètes (Paris, 1820-21, 17 vol in-8 et in-12), et depuis ont paru ses Œuvres inédites (Paris, 1830). Le beau portrait d’elle par Gérard a été gravé bien souvent ; on a du même peintre Corinne couronnée au Capitole, qui, en réalité, est un épisode de la vie de M me de Staël. Eug. Asse. Bibl. : M" 1 " de Rémusat, Mémoires ; Paris, 1881, 2 vol. in-8. — Barante, Souvenirs. — Chateaubriand, Mém. d’outre-tombe ; Paris, 1898, in-8. — Duc Victor de Broglie, Souvenirs ; Paris, 1885-1888, 4 vol. in-8. — Chénier. Tableau de ta litt. franc., clans Œuvres complètes ; Paris, 1823-1826, 8 vol. in-8. — Fontanes, Mercure, 1801. -M» Necker de Saussure, Notice sur le caractère et les écrits de M m ° de Staël ; Paris, 1820, in-8. — A. Portal, Notice sur la maladie et ta mort de M mt de Staël ; Paris, 1817, in-12.

— F. Schlosser, M"’» de Staèl et M m ° Rolland ; Francfort, 1830, in-8. — Cousin d’Avalon, Staelliana ; Paris, 1820, in-12. — Maria Norris, Life ofM m < de Staèl ; Londres, 1853. in-8. — Villemain, Tabl. de la litt. du xviii» siècle ; Paris, 1860, 5 vol. in-18. — Sainte-Beuve, Portraits litt., 1814, 3 vol. in-12 ; Portraits de femmes. 1844,- Nouveaux lundis, 1863 et suiv. — Baudrillart, Eloge ; Paris, 1850, in-4. — M»" Lenormant, Coppet et Weimar ; Paris, 1867, in-8. — O. d’Haussonville, le Salonde M m ° Necher ; Paris, 1882, 2 vol. in-12. — Cl). Dejole, M™’ de Staël en Italie ; Paris, 1890, in-12. — Albert Sorel, M"" de Staël ; Paris, 1893, in-12. — Lady Blennerhassett. Af m » de Staël et son temps, . trad. de l’allemand par H. Dietrich ; Paris, 1890 ; 3 vol. in-8.

STAEL-Holstein (Auguste-Louis, baron de), fils de la précédente, né à Paris le 31 août 1790, mort à Coppet le 11 nov. 1827. Elevé avec un soin tout particulier par sa mère, qui obtint d’Auguste de Schlegel qu’il vint à Coppet surveiller son éducation (1804-16), il se perfectionna dans l’étude des lettres, des sciences et des langues vivantes, tantôt à Coppet, tantôt à Paris. Il avait dix-sept ans lorsque, à la suite de la publication de Corinne (1807), sa mère s’étant vu interdire le séjour de la France, il sollicita et obtint une audience de l’empereur, de passage à Chambéry (29 déc). dans laquelle il lui demanda la révocation de cet ordre si cruel pour sa mère. Cette démarche fut vaine. Napoléon refusa. Sa douleur fut d’autant plus grande qu’il ne devait pas suivre sa mère dans ses pérégrinations suivantes à travers l’Europe. Il ne la revit qu’en 1814. A cette époque, il s’occupait beaucoup de propagande protestante, comme membre d’une société biblique ; il prit aussi une part active au mouvement pour l’abolition de l’esclavage, et visita l’Angleterre. Il méditait un grand ouvrage historique sur la traite des nègres. Pour agir encore davantage sur l’opinion publique, il se procura et exposa les fers qui, sur les navires négriers, servaient à enchainer ces malheureux. Ses œuvres ont été recueillies par les soins de la duchesse de