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SOUFRE

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une dizaine de cornues en fonte, ayant la forme d’un ellipsoïde de révolution et communiquant avec un cylindre de fonte faisant office de condensateur. Les cornues ne sont pas exposées directement à la flamme du réverbère, mais disposées sur une voûte, qui les sépare du foyer. Les gaz chauds traversent la voûte par une série d’ouvertures, enveloppent les cornues et vont chauffer, au-dessus, des chaudières d’alimentation, ou s’opère la fusion. Habituellement les cornues ont l m ,05 de diamètre et m ..">8 de hauteur verticale ; leur charge varie de 450 à 500 kilogr. ; l’opération dure douze heures. Avec un four à 8 cornues, on raffine, par 24 heures, 7 à 8 tonnes de soufre brut. La consommation de lignite est d’environ 10 °/ du poids de soufre. On a cherché, dans ces derniers temps, à faciliter la condensation du soufre en fleurs en l’opérant dans tle très grandes chambres de 1.000 m. cubes de capacité, refroidies par des courants d’air. Enfin, dans le four Dubois, essayé depuis 1886 dans une usine de Marseille, on produit l’évaporation du soufre au-dessous de la température d’ébulition au moyen d’un courant de vapeur d’eau, celui-ci servant de véhicule mécanique pour extraire le soufre, qui est, d’autre part, chauffé à 150° dans un four horizontal rotatif.

A côté de ces procédés, qui extrayent la presque totalité du soufre utilisée dans l’industrie des calcaires solfifères où il est naturellement contenu, il y a lieu de mentionner quelques autres sources accessoires de soufre, telles que les pyrites, les résidus de la purification du gaz et de la fabrication de la soude. Les pyrites de fer servent essentiellement à fabriquer de l’acide sulfurique, et l’on n’a pas grande raison d’en retirer le soufre ; cependant l’on a fait diverses tentatives, dans cet ordre d’idées, en procédant par distillation (Bohème, Fahlun, etc.) ; le soufre obtenu a généralement le défaut d’être arsenical. Dans le four Michel Perret, essayé en 1865 parla C ie de St-Gobain, on mettait, au-dessus d’un four à grillage des pyrites, des cornues en terre réfractaire, où l’on opérait une distillation partielle de la pyrite avant de la griller en bas. Enfin, en 1895, le professeur Buisine a proposé d’arroser de la pyrite de fer avec de l’acide sulfurique à 100° pour obtenir simultanément du sulfate de fer et du soufre. Dans la fabrication du gaz, on emploie pour désulfurer un mélange d’oxyde de fer avec un corps poreux, tel que la sciure de bois, où s’accumule une quantité de soufre pouvant monter à 40 et même à 65 °/ . On a proposé d’utiliser ce soufre, soit en le grillant pour fabriquer l’acide sulfurique, soit en le dissolvant par le sulfure de carbone : procédé défectueux à cause de sa teneur en hydrocarbures, qui produit un soufre impur. Enfin, dans la fabrication de la soude par le procédé Leblanc, il s’accumule des montagnes énormes de résidus -solfifères, qui ont le grave inconvénient d’empoisonner les cours d’eau du voisinage ; aussi a-t-on imaginé toute une série de procédés pour récupérer ce soufre et l’utiliser de nouveau à la fabrication de la soude, en faisant ainsi une économie qui peut aider à lutter contre la concurrence du procédé Solvay (procédés Mond, Hoffmann, Schaffner et Helbig, Opl et Miller, Chance, etc.). Ces divers procédés rentrant plutôt dans l’industrie de la soude que dans celle du soufre, j’indiquerai seulement le principe du procédé Chance, qui a eu un rapide succès en Angleterre et qui produit un soufre assez beau pour avoir effrayé un moment les producteurs siciliens. On a une batterie de 7 cylindres, où l’on charge les résidus de la soude, mêlés avec.de l ’eau de manière à avoir à peu près la consistance de la crème. On fait passer un fort courant d’acide carbonique préparé dans un four à chaux et l’on obtient du carbonate de chaux, avec de l’hydrogène sulfuré, qui, rencontrant d’autre sulfure de calcium, donne du sulfhydrate, sur lequel l’acide carbonique continue à agir pour reproduire du carbonate de chaux et de l’hydrogène sulfuré. On recueillecedernierdans un gazomètre ; puis, si l’on veut obtenir du soufre, on le fait arriver, mélangé avec une quantité d’air convenable, dans un four Claus,oùl’on se propose de le brûler de manière à réaliser exactement l’équation H, S + = H 2 -+- S. Le mélange gazeux traverse une couche de matière réfractaire, puis une autre d’oxyde de fer et aboutit dans une chambre de condensation. On obtient ainsi 90 °/ du soufre des résidus et comme, d’autre part, 10 °/ du soufre des pyrites brûlées pour faire la soude est resté dans les pvrites, on estime qu’on recueille finalement 80 °/ du soufre initial des minerais.

Usages et Statistique. — Le soufre, utilisé depuis la plus haute antiquité, est la base de quelques industries tout à fait capitales, en premier lieu la fabrication de l’acide sulfurique, avec ses dérivés (soude Leblanc, superphosphates, sulfate de cuivre, etc.). celle du sulfure de carbone, de l’acide sulfureux, de la poudre, des allumettes, etc. L’industrie de l’acide sulfurique a pris surtout son grand développement le jour où Leblanc, en 1 791 . imagina de fabriquer le carbonate de soude en chauffant de la craie et du charbon avec du sulfate de soude, obtenu lui-même par la réaction de l’acide sulfurique sur le sel marin. Jusqu’alors, les gisements de Sicile avaient seuls suffi pour la fabrication des dérivés du soufre. A partir de ce moment, on commença à utiliser, en outre, les pyrites de fer, qui renferment 52 °/ de soufre, c.-à-d. qu’une tonne de pyrite fournit environ une tonne d’acide sulfurique. Depuis 1875 ou 1880, le procédé Leblanc a été relégué au second plan par le procédé Schlœsing et Solvay, qui prépare la soude au moyen de l’ammoniaque ; mais les procédés de régénération des résidus sulfurés, dont j’ai dit un mot précédemment, lui permettent de lutter encore. Et surtout l’acide sulfurique a. en dehors de celle-là, bien d’autres applications de premier ordre, qui font que son emploi s’accroit chaque jour. On peut citer, entre autres, la transformation des phosphates inassimilables en superphosphates, qui assure par an le placement d’au moins 600.000 tonnes de pyrites de fer. C’est la raison pour laquelle les mêmes sociétés (St-Gobain notamment) se trouvent amenées à avoir à la fois des mines de phosphate de chaux et de sulfure de fer, des usines où l’on fabrique l’acide sulfurique, la soude, etc.. etdesglaceries. La plus grande partie de l’acide sulfurique est aujourd’hui fabriquée par le grillage des pyrites de fer ; néanmoins, on utilise également, pour cet usage, une certaine proportion de minerais de soufre proprement dits. Cela tient, en particulier, à la difficulté que l’on éprouve à trouver des pyrites absolument exemptes d’arsenic , et cet arsenic, qui passe dans tous les produits obtenus au moyen de l’acide sulfurique, est (dans certains cas), par exemple quand il s’agit de fabriquer l’acide citrique, une cause de dépréciation sérieuse ; l’Angleterre utilise de ce chef 12.000 tonnes de soufre pour l’acide sulfurique. D’autre part, les Etats-Unis consomment à eux seuls un tiers de la production totale du soufre sicilien (110.000 tonnes en 1894). Il n’existe, en effet, que peu de gisements de pyrite exploités dans l’Est américain, et les Américains, faisant une importation de minerais européens, ont avantage à payer le transport du soufre plutôt que celui de la pyrite de fer.

Après la fabrication de l’acide sulfurique, le grand emploi du soufre et de ses dérivés est l’agriculture où l’on consomme, soit du soufre, soit du sulfate de cuivre (je rappelle ce que j’ai déjà dit des superphosphates, obtenus au moyen de l’acide sulfurique). Pour le soufrage des vignes, on a calculé que la France, avec 2 millionsd’hectares de vignes, pourrait consommer 130.000 tonnes de soufre ; elle en importe de Sicile, suivant les années, de 60.000 à 90.000 tonnes. En outre de la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce, la Turquie, etc.. prennent, pour cette application, une quantité de soufre, qui, au total, représente presque la moitié du soufre extrait en Sicile. L’agriculture consomme également, pour les maladies de la vigne, beaucoup de sulfate de cuivre (bouillie bordelaise), préparé souvent comme sous-produit d’industries électriques.