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SOUDAN

et chez les Aouelimmideu ; les Fadeliya, disciples de Moham med-el-Fadel, qui ont rayonné de l’Adrardes Lemtouna (ou occidental) ; les Othmamya, répandus chez les Peuls du Sokoto et de là jusqu’au Lagos et à Kong. Les Tidjaniya ont eu pour chef le fameux El-Hadj Omar (né en 1797, mort en 186.’)). Originaire du Fouta sénégalais, il fut initié à Médine au rituel des Tidjaniya (1828-31) et revint, avec une réputation de sainteté, propager sa réforme religieuse dans le Soudan ; l’àpreté de ses attaques contre les Qadriya lui en lit des ennemis mortels ; du Ilaoussa (1833), il passa en 1838 au Macina, puis au centre musulman de Kankan. et en 1840 au Fouta-Djallon ; là il prêcha la guerre sainte ; tandis que son disciple Mahmadou s’emparait du Ouassoulou ou il devait régner jusqu’à sa mort (•1856), El-Hadj Omar rassemblait une armée avec laquelle il fonda, au profit d’un autre disciple, le royaume peul du F’irdou, au S. de la Gambie ; puis souleva les musulmans du Ripp au N. de ce fleuve, et de là vint, en prophète pacifique, à son pays natal près de Podor (1846) ; il sut gagner la faveur des fonctionnaires français, s’enrichit des dons des fidèles, recruta des adhérents et, après un nouveau séjour au Fouta-Djallon, reprit décidément la guerre sainte ; il se bâtit une citadelle à Dinguiray (1849) sur le Tinkisso, détruisit le royaume de ïamba, soumit le pays djallonké, le Ménien, la vallée du Bah’ng, écrasa les Bambara du Kaarta après des luttes acharnées (1854- 35) ; de son nouveau camp de Nioro, il vint assiéger le fort français de Médine, mais fut repoussé (1857) ; demeura néanmoins maitre du Fouta sénégalais (Toro), conquit le Beledougou (1859), Nyamina et Sansanding sur le Niger et acheva la ruine de l’Etat bambara par la prise de Ségou ; les Peuls du Macina, alliés aux Bambara, avaient été vaincus avec eux ; El-Hadj Omar les poursuivit, emporta leur capitale Hamdallahi et fit périr leurs chefs (1862). Cette conquête du Macina, suivie de la soumission de Timbouctou, marque l’apogée de l’empire du chef tidiane ; mais l’hostilité des Qadriya ne tarda pas à l’abattre ; ils amenèrent à la rescousse les Berbères du Nord, les Kountah, soulevèrent les Bambara ; séparé de son fils Alimadou qu’il avait laissé à Ségou, El-Hadj Omar fut battu, assiégé dans Hamdallahi ; il s’échappa, mais fut enfumé dans un terrier par les Bekkaya, ses adversaires religieux (avr. 1865). — La lutte continua entre les Bekkaya et Tidiani. neveu du prophète, qui se maintint dans le Macina, à Bandiagara, jusqu’à sa mort (1887) ; le principal héritier d’El-Hadj Omar fut son fils Ahmadou Cheikhou, lequel demeura maître de Ségou, de Nioro, de Koniakary et Dinguiray, les diverses places fortes de son père, mais vit bientùt son pouvoir effectif réduit au pays de Ségou et au Kaarta. Telle était la situation lorsque la conquête française vint pacifier et unifier ces régions. La conquête française. — On trouvera dans l’art. Colonisation (V. aussi Compagnie et l’art. Commerce) l’histoire des comptoirs et colonies européennes de l’Afrique occidentale et des développements successifs de leur organisation. En ce qui concerne la Guinée, des détails sont donnés aux art. Guinée, Cote des Graines, Côte des Esclaves, Côte de l’Ivoire, Cote de l’Or, Bénin, Dahomey, Libéria, Sierra-Leone, Togo. Nous n’avons à nous occuper ici que du Sénégal et du Soudan français, dont l’histoire est inséparable et l’organisation solidaire. L’origine du grand empire colonial français de l’Afrique occidentale fut le modeste comptoir fondé en 1626 dans Pile de Gorée par l’association des marchands de Dieppe et de Rouen. Les Hollandais, qui s’étaient emparés en 1638 du fort portugais d’Arguin, furent évincés et la concurrence anglaise surmontée et cantonnée sur la Gambie ; les factoreries du Sénégal, occupées par les Anglais dans la guerre de Sept ans, furent restituées : Gorée seul, par lé traité de 1763, et Saint-Louis en même temps que le Sénégal (repris en 1779 par le duc de Lauzuu), au traité de 1783. Durant cette période, le régime fut celui de la concession à de grandes compagnies à privilège et du pacte colonial (V. Commerce), réservant à la métropole le monopole absolu des échanges ; on tirait du Sénégal de la gomme, de la poudre d’or, de l’ivoire et des esclaves ; on lui envoyait des tissus, de la poudre, des armes, de la verroterie, du sel, des barres de fer et de cuivre. En 1791 , on abolit les compagnies et on décrète la liberté du commerce ; mais on maintient le pacte colonial. De 1809 à 1817, occupation anglaise. En 1818, le Sénégal passe au rang de colonie de culture ; la traite des nègres est abolie, des tarifs de faveur sont accordés aux produits coloniaux ; mais le Sénégal continue à vivre surtout du commerce de la gomme. A coté des villes insulaires de Gorée et Saint-Louis naissent celles de Dakar et de Butisque ; puis les escales du fleuve se transformant en villes : Dagana, Podos, Saldé, Matam, Bakel, Médine et Sénoudébou (sur la Falémé). En 1848, la culture de l’arachide parait.

En 1854 commence le gouvernement de Faidherbe (V. ce nom), le fondateur de notre grande colonie du Soudan. De 1852 à 1861, puis de 1863 à 1865, il poursuit un effort écrasant, établit la domination française au Sénégal. Les commerçants étaient assujettis aux caprices des roitelets maures ou nègres et du paiement de « coutumes », redevances eu nature de taux assez arbitraire ; même le loyer du sol de Saint-Louis leur était annuellement payé ; les Français leur semblaient des vassaux qu’ils toléraient. A la demande des armateurs et négociants, Faidherbe fut nommé gouverneur. Il fit la chasse aux pillards maures, soumit le Oualo, défit les Maures Trarza, puis les Brakna et les Douaich (1854-58) ; les coutumes furent remplacées par un droit fixe de 3 °/ perçu au profit des rois maures sur le commerce de la gomme, mais sur les marchés français. Tandis qu’il combattait la Maures durant la saison sèche, lors de l’hivernage Faidherbe remontait le fleuve jusqu’à Kayes et fondait contre El-Hadj Omar le fort de Médine (1855) ; il le débloquait après le siège de 97 jours héroïquement soutenu par les 48 braves de Paul floll. Le prophète se reporte sur le Niger. Faidherbe tourne ses efforts vers le S. du Sénégal, établit le protectorat français sur le Baol, le Sin, le Saloum, laCazamance (1859). L’insurrection des Peuls du Toro est comprimée en 1862 par Jauréguiberry. Faidherbe eut ensuite à lutter contre Lat-dior, chef du Cayor, lequel s’allia à deux disciples d’El-Hadj Omar, Maba, qui dominait le Ripp, et Ahmadou de Podor, chel du Fouta Toro. La politique hésitante suivie envers eux prolongea la lutte ; Ahmadou fut tué en 1875 et le Ripp soumis seulement en 1887 ; la même année périt dans le Niani (près de la Gambie), Mahmadou Lamine, lequel avait excité, en 1886, dans le cercle de Bakel, une redoutable insurrection des Peuls Tidjaniya.

Mais Faidherbe n’avait pas limité son action à la Sénégambie, dont la pacification avait quadruplé le commerce en quelques années. Il avait fait explorer par le capitaine Vincent, par renseigne Bourre !, par Mage les pays des Maures, par Pascal et Lambert le Bambouk, le F’outa-Djallon, avait envoyé le lieutenant Mage et le D’ Quintin (1863) auprès d’El-Hadj Omar, atin d’étudier la route entre le Sénégal et le Niger. Retenus deux ans à Ségou par Ahmadou Cheikhou, ils procédèrent à une enquête complète qui prépara la conquête. Celle-ci ne lut reprise que par Brière de l’Isle, gouverneur en 1877 ; il envoya en ambassade à Ahmadou le capitaine Gallieni (1880-81), lequel fit signer au sultan un traité de protectorat et rapporta une étude géographique du pays. En chemin de fer fut commencé qui de Kayes, où s’arrête la navigation, se dirigea vers le bief navigable du Niger à Bammako ; sa première étape était Bafoulabé, où l’on-établit un fort (1880) ; puis le lieutenant-colonel Borgnis-Desbordes construisit celui de Kita (1881) et avança jusqu’au Niger. Voici quelle était alors la situation. Au N. de la ligne des postes français, le principal fils d’El-Hadj Omar, Ahmadou, demeuré maitre de Ségou et de Nioro, commandait le Niger de