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SAHARA

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plus ou moins humides, où vivent un grand nombre de plantes très résistantes à la sécheresse, et en même temps capables de supporter la très vive fraîcheur ou le froid vif des nuits. La montagne ne s’élève 1 pas, par infortune, assez haut pour que la végétation du désert y fasse franchement place à celles de la zone tempérée ou de la zone fraîche : elles ne sont, au point de vue de la flore (et de la faune), qu’un désert mitigé, où, ditSchirmer, les espèces atteignent. grâce aux pluies, un développement inusité, où les acacias rabougris deviennent des arbres de haute futaie, où des arbrisseaux, tels que le jujubier sauvage, forment des fourrés de plusieurs mètres de Batteur. Il se peut que l’Ahaggar nous offre quelques surprises heureuses : on y connaît déjà le laurier-rose, le thuya, le myrte, la vigne et le figuier. En somme, 1 .000 espèces peut-être dans tout le Sali, ira, près de 500 dans le seul Sahara d’ Algérie, 300 dans le plus infécond du désert, dans le sable et la pierre de Libey. Comme seuls arbres atteignant une hauteur (dus qu’arbustive, tamaris de 8 m., acacias qui en ont 10, gommiers qui montent jusqu’à 15, avec 2 m. de tour, dans le Madèr ou Maader, au N. du Tademait, au-dessus des oasis touatienncs. A noter que si le Sahara d’orient, lelibyque, est le plus sec et le plus stérile, celui d’occident, en bordure de l’Atlantique, étant relativement plus humide, est aussi moins désertiqOej moins dénué de verdure, de végétation, et qu’à mesure qu’il se rapproche du Niger d’en amont de Tombouetou, surtout du Sénégal, il devient le Sahel, terre de steppe et de pâture où vivent de nombreuses tribus arabo-berbères, donnant quelque vie à la nouvelle province frâ&çaisë de la Mauritanie occidentale.

Pauvre en espèces végétales, le Sahara ne l’est pas moins en espèces animales. La bète ne vit pas de l’air du temps, il lui faut de l’herbe, de l’eau, et, si elle est Carnivore, il lui faut d’autres bêtes à manger. Le désert manquant presque partout d’eau comme de régétation, la vie animale n’a pas pu s’y développer en grand, et elle a dû s’adapter, sous peine de destruction, à l’extrême dureté de ce climat à la fois si torride et si frais* presque froid a quelques jours, même à quelques heures de distance. Le « lion du désert », si célèbre dans les romances, fait défaut au désert proprement dit, mais il habite la montagne, tout au moins l’Air ; cela se comprend, il vit de bétail, et c’est un grand mangeur, puis il aime la fraîcheur et l’ombre ; il est ici de l’espèce des lions sans crinière. On rencontre aussi quelquefois son cousin le léopard, et aussi des loups, quelques hyènes, des chacals, des singes, des onagres, des zèbres : tout cela bien entendu, non pas dans le Sahara, mais dans les monts sahariens et surtout à la bordure du désert, principalement dans le demi-désert de la lisière : en un mot là où l’eau n’est pas trop rare et où il y a quelque végétation ; des crocodiles rampent autour des mares dans la montagne des Azdjer, en Abaggar. Des antilopes et des gazelles, vivant on ne sait trop comment, des autruches de plus en plus rares, des renards des sables, et le « vaisseau du désert », le chameau, aussi nécessaire, indispensable, sahariennement parlant, que le dattier, c’est là la grande vie, la grande animalité des sables et des hamadas : le chameau surtout, qui est en réalité un dromadaire, et sans lequel il n’ aurait sans doute aucunes relations possibles entre les oasis séparées les unes des autres par de vastes aregs ou de vastes plateaux. Comme il est dit ci-dessus, et en faisant une transposition de la plante à l’animal, il vaut le dattier, l’arbre universel dont le Saharien fait tout ; de même il sert à tout : il porte, il combat, il donne le lait de la chamelle, il fournit la chair, le cuir, le poil des habits et des tentes. Sous le nom spécial de méhari, et sous une forme plus effilée, plus élégante, c’éât une bêle de course extraordinairement rapide autant qu’endurante. Si bien qu’il se comporte dans le désert, si gaillardement qu’il y vive au milieu des privations (et il dépérit ailleurs, dès qu’il arrive dans les pays de l’eau courante et de l’abondance en toute chose), il n’est point originaire du Sahara ; il eut probablement l’Arabie pour patrie première. En dehors des mammifères, il y a des reptiles en grand nombre, difficiles à discerner sur le sol où ils se trouvent, car ils ont (ini par prendre la couleur gris jaunâtre particulière à l’ensemble du désert. Le vol des oiseaux surprend rarement les caravaniers, les empennés ne se voient guère qu’au voisinage des marais, flaques d’eau, fonds boisés, qui sont eux-mêmes une très giande rareté.

Dans les oasis, la vie animale est plus grouillante, toujours à cause de la présence de l’eau, des plantes (et des hommes) ; là rivent toutes les bêtes domestiques possibles : chiens et chats, bcelifs petits, maigrichons, le cheval, l’âne, les (lièvres, les moutons, ici débarrassés de leur laine, qui, sous ce climat, les entourerait d’une chaleur intolérable, et que remplace un long poil plus fin que celui de la chèvre.

Habitants. — Certes, le Sahara ne se distingue pas par la densité de sa population, quelques centaines de milliers d’habitants, un million peut-être en lui attribuant sa double lisière du Nord et du Sud, mais c’est presque un miracle qu’il ait des habitants. Les anciens, très peu soucieux d’ethnographie, nous ont si mal renseignés sur leurs Libyens, Garamantes, Ethiopiens, que nous ignorons réellement ce que furent ces peuples désertiques, s’ils étaient blancs, ou noirs, ou cuivres, issus des Numides (nos Berbères) on des Nègres, mi de la rencontre des uns et des autres. 1res vraisemblablement il y eut toujours ici un compromis entre l’Afrique Mineure, en bordure sur cette Méditerranée autour de laquelle se rencontrent trois parties du monde, et le Soudan, qui est un grand réservoir d’hommes ; compromis dans lequel l’influence majeure revint naturellement à la race îles Berbères, intellectuelle’ ment mieux douée que les races du Soudan. Avec la période d’expansion de l’Islam commence un « processus » nouveau : les Arabes envahissent, d’abord infinitésinialeiiient le Sahara, puis en (dus grand nombre ; ils entrent eu lutte d’influence avec les Berbères, et c’est longtemps un llux et un reflux continuels ; enfin, dans ce combat toujours renouvelé, la victoire demeure indécise : le triomphe ethnique reste aux Berbères, qui sont bien toujours le peuple dominant du Sahara, mais le triomphe social est aux Arabes, dont la langue, la religion, les idées et institutions l’emportent décidément. Dans son livre remarquable : l’Islam dansV Afrique occidentale, A. Le Chatelier a très brièvement résumé cette longue et confuse histoire :

« L’occupation arabe du Sahara, dit-il, offre des caractères divers. Cependant, ses traits essentiels ne se trouvent pas altérés par la forme locale qu’elle a pu revêtir. Au début, elle s’est effectuée par une infiltration lente. Les représentants de la race arabe, jusqu’au v 1 siècle de L’hégire, oui été surtout des missionnaires de l’Islam. A peine ont-ils formé de petites colonies dans quelques centres. Interrompu par le soulèvement des Berbères du Maghreb et les conquêtes des Almoravides. le mouvement commence a repris avec une intensité nouvelle, et sous forme d’invasion, par l’exode des tribus hymiarites d’Lgypte au XI e siècle. Lancées par les khalifes fatimites contre leurs sujets révoltés de l’Afrique du Nord, elles s’y dispersèrent. Celles qui occupent aujourd’hui le Sahara y étaient arrivées pour la plupart îles le mu siècle. Elles eurent à soutenir des luttes souvent acharnées pour s’imposer aux autochtones, mais, le prestige de la rare aidant, l’élément qu’elles représentaient a fini par dominer presque partout. En se mélangeant aux peuplades berbères, dont quelques-unes à peine ont conservé leur indépendance, elles ont forme une population nouvelle essentiellement métisse, mais dans laquelle le premier rang appartient, sous le rapport politique, aux fractions dont la descendance arabe s’est maintenue la plus intacte. A coté des tribus ainsi constituées, et ou les