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la maintien absolu de tous les usages, mais s’élevait énergiquement contre la déformation complète de l’ancien judaïsme. Le fondateur de ce parti fut Isaac Bernays (né à Mayence en 1792 et mort à Hambourg en 1849). Formé, dans l’Allemagne du Sud, à l’école des Kreutzer, des Kanne et des Oken, qui croyaient retrouver dans l’univers, écrites en caractères vivants, les lois abstraites de la philosophie transcendantale, et pour qui la nature et l’histoire, les nombres, les couleurs et les noms représentaient des séries d’idées, des débris d’un miroir gigantesque, Bernays concevait le judaïsme, sa littérature et son histoire, sous un aspect tout nouveau. Mieux que Mendelssohn il comprenait le vrai caractère de la mission du peuple juif dans l’histoire de l’humanité. On pourrait peut-être lui reprocher de s’être trop adonné à la spéculation, d’avoir voulu découvrir partout des intentions, et de n’avoir pas su présenter le résultat de ses recherches sous une forme attrayante. Penseur remarquable, il n’avait que du dédain pour les chefs de la réforme, si pauvres d’idées, qui prétendaient enfermer les doctrines et les enseignements du judaïsme dans le cadre étroit d’un catéchisme. À ses yeux, la coterie Friedlænder était la personnification de la légèreté et de l’étroitesse d’esprit. Elle lui apparaissait coron e une bande de gens grossiers, installés dans un temple magnifique, qu’ils auraient aménagé pour leurs besoins mesquins en petites habitations.

On ne connaît qu’imparfaitement les idées de Bernays sur le rôle et les destinées du judaïsme. Il éprouvait une certaine timidité à écrire, et il préférait communiquer ses pensées par l’enseignement oral. L’Orient biblique, qu’on lui attribue, ne contient que l’ébauche de son système, qui n’aurait certainement pas échappé à l’excommunication des rabbins de l’ancien temps. Riais, si l’auteur n’avait démontré que cette unique vérité que le peuple juif a une mission d’apôtre à remplir dans l’humanité, il mériterait déjà une place d’honneur parmi les écrivains. Non pas que cette vérité fût neuve, car elle avait été déjà prêchée par les Prophètes. Mais, au milieu de leurs souffrances et de leurs humiliations, les Juifs eux-mêmes l’avaient totalement oubliée.