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et travaillèrent ainsi à la rénovation intellectuelle et morale de leurs coreligionnaires.

En même temps que Mendelssohn faisait entrer les Juifs, peut-être sans l’avoir prémédité, dans la voie du progrès et de la civilisation, il contribua également à améliorer leur situation matérielle. Il leur avait déjà suscité un courageux défenseur dans la personne de Lessing ; il gagna à leur cause un autre de ses amis, Dohm, qui composa un Mémoire remarquable en faveur des Juifs d’Alsace.

Dans aucune contrée de l’Europe, la situation des Juifs n’était plus misérable, à cette époque, qu’en Alsace. Toutes les classes de la population s’entendaient pour les opprimer et les maltraiter ; ils avaient à souffrir de l’intolérance du clergé, de l’arbitraire de la noblesse, de la jalousie des corporations. Parqués dans des ghettos, ils n’étaient autorisés qu’exceptionnellement à se rendre dans les autres quartiers de la ville. Par contre, ils étaient accablés d’impôts : taxes à payer au roi, à l’évêque de Strasbourg, aux comtes de Haguenau, aux nobles dont ils habitaient les domaines, enfin taxes de guerre. En outre, ils devaient entretenir leurs synagogues et leurs écoles. D’où tirer tout l’argent qu’on leur demandait ? La plupart des branches de l’activité humaine leur étaient inaccessibles ; la loi ne leur permettait que le commerce du bétail et l’orfèvrerie. Voulaient-ils sortir de la province où ils résidaient, ils étaient obligés de payer un péage. À Strasbourg, aucun Juif ne pouvait passer la nuit. Pour payer les impôts multiples dont on les accablait et pour se défendre contre les vexations qu’on leur faisait subir, ils avaient besoin de beaucoup d’argent. Cet argent, ils s’efforçaient de le gagner en prêtant à intérêt. Comme ils couraient de grands risques de ne pas rentrer dans le capital avancé, ils exigeaient un taux élevé. Mais les débiteurs ne voyaient que les gros intérêts qu’on leur réclamait, et l’impopularité des Juifs s’en accrut encore.

Un greffier alsacien, Hell, intelligent et d’esprit cultivé, mais sans conscience et très cupide, profita de la haine qu’inspiraient les Juifs pour exciter le peuple contre eux. Il apprit même l’hébreu pour pouvoir prendre connaissance par lui-même de leurs livres de commerce et mieux pénétrer le secret de leurs