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il s’agit de traiter les Juifs en hommes et en citoyens, il fournit des armes empoisonnées aux adversaires de leur émancipation.

Les savants tels qu’Eisenmenger, qui n’étudiaient la littérature hébraïque que pour assouvir ensuite leur haine contre les Juifs, furent sévèrement jugés par un protestant hollandais, Guillaume Surenhuys, d’Amsterdam. Ils ressemblent, disait-il, à des voleurs de grand chemin, qui commencent par dépouiller de leurs vêtements les honnêtes gens qu’ils rencontrent, les battent ensuite de verges et les couvrent de boue. Surenhuys réunissait, au contraire, dans une même admiration, les Juifs et leur littérature. Il s’occupa surtout de la Mishna, qu’il traduisit en latin avec deux de ses commentaires (1698-1703), et il exprima le souhait qu’elle fût étudiée par tous les chrétiens se destinant à l’état ecclésiastique. Quiconque, disait-il, veut devenir un digne et fidèle disciple du Christ doit d’abord devenir Juif, c’est-à-dire connaître la langue et la littérature des Juifs ; il ne peut suivre les Apôtres qu’après avoir été élève de Moïse. Il loua aussi le Sénat d’Amsterdam de s’être toujours montré équitable envers les Juifs. Ce peuple qui fut si supérieur aux autres peuples, vous le traitez avec bienveillance, hommes estimables ! Aussi avez-vous acquis pour votre pays toute la gloire que cette nation et les habitants de Jérusalem possédaient autrefois. Car les Juifs vous appartiennent corps et âme, vous les avez attirés à vous, non pas par la contrainte et la violence, mais par la douceur. Ils sont heureux d’être à vous et d’obéir à votre gouvernement républicain.

Un autre écrivain protestant, Jacob Basnage (1653-1723), rendit un service plus important encore au judaïsme. Théologien considéré, historien érudit, écrivain élégant, Basnage sut utiliser les nombreux et parfois fastidieux travaux composés sur les Juifs et le judaïsme pour écrire une histoire claire et accessible à tous les esprits cultivés. Comme, dans ses recherches historiques, surtout en ce qui concerne les origines et le développement du christianisme, il avait rencontré à chaque pas les Juifs et leur littérature, il en avait conclu que, contrairement à l’assertion habituelle des théologiens chrétiens, la nation juive n’avait pas entièrement disparu